Combien de temps as-tu attendu avant d'être dégagée ?
Port-au-Prince après le séisme
"Le séisme a commencé à 17 heures et jusqu'à minuit, beaucoup d'Haïtiens sont venus m'encourager, mais ils ne pouvaient rien faire de plus pour moi. Et puis, à partir de minuit, je n'ai plus vu personne. Je ne sentais plus tellement la douleur parce qu'au bout d'un moment, mon pied s'était ankylosé. J'essayais simplement de changer de position, de changer de marche, j'essayais de me mettre debout.
Mais le plus dur, c'est que les secousses continuaient... A deux heures du matin, il y a eu une grosse secousse et là, j'ai vraiment cru que j'allais mourir. Tout tombait autour de moi. J'essayais de m'agripper à la rambarde. Et cela a duré comme ça jusqu'à 5 heures du matin. A 5 heures, j'ai entendu comme le bruit d'un camion poubelle. J'ai appelé mais personne ne m'a entendue. Puis j'ai ré-entendu des gens et j'ai crié à nouveau. Et là, c'était l'ONU brésilienne qui venait pour me décoincer. L'un des profs qui étaient en formation avec moi avait fait prévenir l'ambassade de France et les responsables de la Fidesco avaient remué ciel et terre pour envoyer une équipe de sauveteurs.
J'avais bien tenu le coup jusque-là mais quand ils sont arrivés je n'ai fait que pleurer et crier. Je parlais créole et eux portugais. Ils ont essayé de soulever le bloc de béton avec trois cricks et une barre de fer mais ça ne marchait pas. Alors, la solution a été de faire coulisser très lentement mon pied, et pour finir, le dernier moyen a été de le tirer avec une force incroyable.
Mais le plus dur, c'est que les secousses continuaient... A deux heures du matin, il y a eu une grosse secousse et là, j'ai vraiment cru que j'allais mourir. Tout tombait autour de moi. J'essayais de m'agripper à la rambarde. Et cela a duré comme ça jusqu'à 5 heures du matin. A 5 heures, j'ai entendu comme le bruit d'un camion poubelle. J'ai appelé mais personne ne m'a entendue. Puis j'ai ré-entendu des gens et j'ai crié à nouveau. Et là, c'était l'ONU brésilienne qui venait pour me décoincer. L'un des profs qui étaient en formation avec moi avait fait prévenir l'ambassade de France et les responsables de la Fidesco avaient remué ciel et terre pour envoyer une équipe de sauveteurs.
J'avais bien tenu le coup jusque-là mais quand ils sont arrivés je n'ai fait que pleurer et crier. Je parlais créole et eux portugais. Ils ont essayé de soulever le bloc de béton avec trois cricks et une barre de fer mais ça ne marchait pas. Alors, la solution a été de faire coulisser très lentement mon pied, et pour finir, le dernier moyen a été de le tirer avec une force incroyable.
Etais-tu gravement blessée ?
Les blessés secourus par la Croix-Rouge
"J'avais une fracture ouverte et mon pied était tellement enflé qu'on ne voyait plus la cheville. Mais c'est mon gros orteil qui a tout pris, il a perdu toutes ses fonctions.
Quand on m'a dégagée on m'a mis sur une civière et là, j'ai commencé à souffrir horriblement. On est partis dans le camion et le trajet pour Port-au-Prince, qui devait durer normalement 30 minutes a pris 2 heures et demie. C'est là que j'ai compris que toute la ville avait été détruite. On m'a mis sous les tentes de l'Onu, et j'ai vu toutes les victimes qu'il y avait. Je me souviens d'une petite fille qui criait "maman est morte, appelé papa". Quand j'ai vu tout ça, je me suis dit que je n'avais qu'une fracture ouverte et que je serais vite remise".
Quand on m'a dégagée on m'a mis sur une civière et là, j'ai commencé à souffrir horriblement. On est partis dans le camion et le trajet pour Port-au-Prince, qui devait durer normalement 30 minutes a pris 2 heures et demie. C'est là que j'ai compris que toute la ville avait été détruite. On m'a mis sous les tentes de l'Onu, et j'ai vu toutes les victimes qu'il y avait. Je me souviens d'une petite fille qui criait "maman est morte, appelé papa". Quand j'ai vu tout ça, je me suis dit que je n'avais qu'une fracture ouverte et que je serais vite remise".
En fait, cela a été plus long et des mois après, tu souffres toujours de ta blessure...
"Oui on m'a rapatriée d'abord en Martinique où l'on a voulu m'amputer le gros orteil. J'ai refusé car je savais que je ne recevrais aucun soin après l'opération avec tous les blessés qu'il y avait et que je risquais une gangrène. Alors on m'a rapatriée à Tours, chez moi, et là les médecins m'ont dit qu'on pourrait peut-être éviter l'amputation et récupérer mon orteil grâce à la chirurgie plastique. J'ai accepté et j'ai déjà eu cinq opérations mais j'en ai encore deux en vue car la greffe d'os n'a pas marché et j'ai plein de germes infectieux dans le pied. Malgré les médicaments contre la douleur, je souffre toujours et si ça ne marche pas, il faudra finalement m'amputer."
Comment vis-tu tout cela ?
"A partir du moment où on accepte la situation, on ne la vit pas trop mal. Moi, j'ai fait ce choix de la chirurgie plastique, j'accepte que ce soit long. Et puis, mes deux ans et demi de volontariat m'ont fait beaucoup mûrir. Cela m'a appris la patience. Même si je dois rester allongée, j'ai même dû être en fauteuil roulant, je ne m'ennuie pas, j'arrive toujours à trouver une occupation.
Surtout, j'arrive toujours à relativiser, je me dis que j'ai eu de la chance. A trois secondes près, je mourais... Je repense aussi au peuple haïtien. Moi je ne suis restée que 15 heures sous les décombres, alors que certains n'ont été dégagés qu'au bout de plusieurs jours. Et puis j'ai la chance d'être très bien soignée et prise en charge en France. En Haïti on m'aurait coupé le pied ! Alors, j'accepte que mon amour pour Haïti reste gravé dans ma chair.
Une autre chance pour moi, c'est qu'on m'a déjà proposé un poste d'animatrice en pastorale et d'assistante sociale dans un lycée catholique du 93 et on m'attend jusqu'à ma guérison. J'ai juste à guérir, alors que pour les Haïtiens, c'est différent."
Surtout, j'arrive toujours à relativiser, je me dis que j'ai eu de la chance. A trois secondes près, je mourais... Je repense aussi au peuple haïtien. Moi je ne suis restée que 15 heures sous les décombres, alors que certains n'ont été dégagés qu'au bout de plusieurs jours. Et puis j'ai la chance d'être très bien soignée et prise en charge en France. En Haïti on m'aurait coupé le pied ! Alors, j'accepte que mon amour pour Haïti reste gravé dans ma chair.
Une autre chance pour moi, c'est qu'on m'a déjà proposé un poste d'animatrice en pastorale et d'assistante sociale dans un lycée catholique du 93 et on m'attend jusqu'à ma guérison. J'ai juste à guérir, alors que pour les Haïtiens, c'est différent."
Quels sont tes sentiments quand tu penses à Haïti et à tous ceux que tu as connus ?
"Heureusement, il n'y a pas eu trop de victimes parmi mes amis. Mais le pays est à reconstruire. Sur les trois écoles où je travaillais, deux sont complètement fissurées et l'une est détruite. Le problème, c'est que les enfants sont tellement choqués qu'ils ne veulent plus rentrer dans les bâtiments.
Du coup, la Fidesco est en train de renvoyer plusieurs volontaires et notamment une psychologue qui va poursuivre le travail d'écoute que je faisais auprès des enfants. Je sors d'une session de formation où je leur ai parlé du peuple haïtien. Je pense qu'ils parviendront à se relever car c'est un peuple qui a beaucoup d'espérance et de force d'âme. Le séisme a aussi resserré la solidarité entre eux. Dans la catastrophe il n'y avait plus de noirs, de blancs, de pauvres ou de riches, il n'y avait que des hommes..."
Du coup, la Fidesco est en train de renvoyer plusieurs volontaires et notamment une psychologue qui va poursuivre le travail d'écoute que je faisais auprès des enfants. Je sors d'une session de formation où je leur ai parlé du peuple haïtien. Je pense qu'ils parviendront à se relever car c'est un peuple qui a beaucoup d'espérance et de force d'âme. Le séisme a aussi resserré la solidarité entre eux. Dans la catastrophe il n'y avait plus de noirs, de blancs, de pauvres ou de riches, il n'y avait que des hommes..."