Qu'est-ce qui t'a amenée à partir en Haïti ?
Ludivine Raimond : "Après avoir eu mon diplôme d'assistante sociale, comme je n'avais pas d'attaches familiales, pas de copain, et pas encore de travail, j'ai pensé faire un volontariat dans un pays pauvre. J'avais été très frappée à l'âge de 13 ans par des images de famine en Ethiopie.
J'ai donc postulé dans plusieurs ONG, et c'est la Fidesco qui m'a répondu. Après la formation, ils m'ont proposé de partir en Haïti comme assistante sociale psychologue, d'abord pour une durée d'un an renouvelable."
J'ai donc postulé dans plusieurs ONG, et c'est la Fidesco qui m'a répondu. Après la formation, ils m'ont proposé de partir en Haïti comme assistante sociale psychologue, d'abord pour une durée d'un an renouvelable."
En quoi consistait ton travail là-bas ?
"Je devais faire le suivi psychologique d'enfants dans trois écoles différentes de Port-au-Prince. J'étais là pour les écouter, les comprendre, les conseiller, et je participais aussi à la formation des institutrices pour les aider à s'occuper des enfants en difficulté.
Dans l'école Rosalie, qui accueille des enfants de milieu défavorisé, mon intégration n'a pas été facile. Au départ, les enseignants se méfiaient, ils me voyaient comme "la blanche". Il m'a fallu du temps pour me faire accepter, pour leur faire comprendre que je ne venais pas tout chambouler.
Dans l'institution Sainte-Rose de Lima, dès le départ, mon travail a été plus simple. Les enfants étaient moins pauvres et j'avais davantage de contacts avec les parents. Je retrouvais des situations qui ressemblaient un peu à ce que j'avais connu en France dans mes stages. Les enfants souffraient de la séparation des parents, de la violence, certains avaient du mal à trouver leur place..".
Dans l'école Rosalie, qui accueille des enfants de milieu défavorisé, mon intégration n'a pas été facile. Au départ, les enseignants se méfiaient, ils me voyaient comme "la blanche". Il m'a fallu du temps pour me faire accepter, pour leur faire comprendre que je ne venais pas tout chambouler.
Dans l'institution Sainte-Rose de Lima, dès le départ, mon travail a été plus simple. Les enfants étaient moins pauvres et j'avais davantage de contacts avec les parents. Je retrouvais des situations qui ressemblaient un peu à ce que j'avais connu en France dans mes stages. Les enfants souffraient de la séparation des parents, de la violence, certains avaient du mal à trouver leur place..".
Tu as tout de même dû être confrontée à la pauvreté d'Haïti ?
"Oui, je travaillais aussi dans un centre d'alphabétisation qui accueille des enfants-esclaves qu'on appelle là-bas les «restavek». Ce sont des filles de la campagne que leur famille n'a pas les moyens de nourrir. On les place donc comme domestique chez des gens plus aisés de Port-au-Prince qui s'engagent théoriquement à les envoyer à l'école.
En fait, beaucoup n'y vont pas, et celles qui viennent ont beaucoup de mal à apprendre à lire. Mais surtout, elles sont souvent méprisées, peu aimées et parfois battues. Mon rôle était d'entrer en relation avec elles pour les épanouir un peu."
En fait, beaucoup n'y vont pas, et celles qui viennent ont beaucoup de mal à apprendre à lire. Mais surtout, elles sont souvent méprisées, peu aimées et parfois battues. Mon rôle était d'entrer en relation avec elles pour les épanouir un peu."
Comment faisais-tu ?
"Au départ, je me contentais de jouer avec elles, je leur prenais la main et je la caressais, je leur souriais. C'était des choses très simples. Mon objectif était déjà de parvenir à les faire sourire. C'était parfois long, mais cela finissait par marcher.
Et dès que j'ai su le créole, à peu près huit mois après mon arrivée, j'ai pu leur parler : je leur disais qu'elles étaient capables d'apprendre à lire et à écrire. C'est là que j'ai vraiment commencé à voir des résultats. Je n'ai pas fait de grandes choses mais je travaillais sur l'humain. Je me souviens qu'en mai 2008, j'ai vu une élève s'ouvrir, s'épanouir. Elle souriait tout le temps. J'avais ouvert en elle un livre qu'elle allait pouvoir commencer à remplir".
Et dès que j'ai su le créole, à peu près huit mois après mon arrivée, j'ai pu leur parler : je leur disais qu'elles étaient capables d'apprendre à lire et à écrire. C'est là que j'ai vraiment commencé à voir des résultats. Je n'ai pas fait de grandes choses mais je travaillais sur l'humain. Je me souviens qu'en mai 2008, j'ai vu une élève s'ouvrir, s'épanouir. Elle souriait tout le temps. J'avais ouvert en elle un livre qu'elle allait pouvoir commencer à remplir".
Au bout d'un an, ta mission a donc été renouvelée ?
"Oui, la Fidesco m'a renouvelée d'un an ce qui m'a permis d'approfondir ma mission. J'avais créé de bonnes relations avec les institutrices et j'ai fait davantage de formation d'enseignants. J'essayais de leur donner des outils pour mieux gérer leur classe, par exemple sans recourir à la violence comme cela se fait souvent là-bas.
Et puis, finalement, j'ai eu envie de faire une troisième année pour former des Haïtiens à suivre des enfants. Cela a été accepté et j'ai commencé à former une assistante de direction dans une école et une psychologue haïtienne dans une autre. Je les aidais à trouver des outils pour mieux accompagner les enfants, pour entrer en communication avec eux."
Et puis, finalement, j'ai eu envie de faire une troisième année pour former des Haïtiens à suivre des enfants. Cela a été accepté et j'ai commencé à former une assistante de direction dans une école et une psychologue haïtienne dans une autre. Je les aidais à trouver des outils pour mieux accompagner les enfants, pour entrer en communication avec eux."
En janvier 2010, tu étais donc en Haïti depuis deux ans et demi, tu commençais à avoir des amis ?
"J'étais de plus en plus à l'aise, c'est vrai, et cette troisième année n'a été que de la joie. J'étais en colocation avec une autre volontaire de la Fidesco et j'avais pas mal d'amis parmi les volontaires, les enseignants ou les familles de la paroisse. J'avais une vie de quartier très sympa et j'aimais partir barouder dans le pays pendant les vacances. Et puis, j'avais la chance de former des gens pour poursuivre le travail auprès des enfants."
Où étais-tu le jour du tremblement de terre ?
"Le 12 janvier 2010, j'étais en formation avec dix profs, sur le thème de la gestion des émotions ! Cinq minutes avant le séisme, nous venions de parler de la peur... Nous étions au deuxième étage d'un bâtiment scolaire. Quand cela s'est mis à trembler, mon réflexe a été de fuir. Je n'ai pas pensé à un séisme mais j'ai cru que la maison s'écroulait parce qu'elle était mal construite comme c'était déjà arrivé récemment dans une école.
J'ai donc dévalé l'escalier et je suis arrivée au premier étage. Là, j'ai voulu descendre au rez-de-chaussée mais quelqu'un m'a poussée violemment pour passer et j'ai été projetée contre la rambarde. J'ai juste eu le temps de descendre 4 marches et là, un bloc de béton armé est tombé sur l'escalier, devant moi. Tout mon pied est resté coincé sous le bloc. Je n'ai jamais su ce qu'était devenu celui ou celle qui m'a poussé mais je pense qu'il a dû être tué et qu'il m'a sauvée".
J'ai donc dévalé l'escalier et je suis arrivée au premier étage. Là, j'ai voulu descendre au rez-de-chaussée mais quelqu'un m'a poussée violemment pour passer et j'ai été projetée contre la rambarde. J'ai juste eu le temps de descendre 4 marches et là, un bloc de béton armé est tombé sur l'escalier, devant moi. Tout mon pied est resté coincé sous le bloc. Je n'ai jamais su ce qu'était devenu celui ou celle qui m'a poussé mais je pense qu'il a dû être tué et qu'il m'a sauvée".