On s'en doutait un peu, mais une enquête réalisée en 2023 par OpinionWay sur la vie affective des 16-20 ans confirme ce fait alarmant : 37% des jeunes de 16 à 20 ans ont déjà subi de la part d'autres jeunes un acte de violence sexiste ou sexuelle. Que ce soit des attitudes ou réflexions sexistes (26%), une agression d'ordre sexuel qui n'est pas allée jusqu'au viol (18%), du harcèlement sexuel (13%), un viol (9%), ou la diffusion d'images intimes (9%)...
Des expériences blessantes à l'âge où l'on vit, souvent, ses premières relations amoureuses, où l'on cherche à prendre confiance en soi, à déployer sa personnalité, à forger son identité et à entrer avec bonheur dans la vie adulte.
Mais pourquoi tant de violence ?
Des expériences blessantes à l'âge où l'on vit, souvent, ses premières relations amoureuses, où l'on cherche à prendre confiance en soi, à déployer sa personnalité, à forger son identité et à entrer avec bonheur dans la vie adulte.
Mais pourquoi tant de violence ?
Les ados confrontés à un univers hypersexualisé
Dès 2018, Blanche Martire, une jeune auteure, dénonçait déjà dans son roman "Chair et âme" l'hypersexualisation et la culture porn dans laquelle sont plongés beaucoup d'adolescents.
Dans les médias jeunes, les séries, les émissions de téléréalité et bien sûr les films porno, le sexe est partout. Et c'est dans ce climat que dès le collège, on vit sa puberté, la transformation de son corps, l'éveil des attirances sexuelle, du sentiment amoureux, et l'ébullition des émotions. Or les lieux pour parler de tout cela avec des adultes sont rares.
Conséquence : "Les adolescents se nourrissent de télé-réalité et de cette société du spectacle où tout n'est qu'apparence, explique Blanche Martire. Le sexe devient alors un jeu comme un autre, il faut se montrer sexy, aller toujours plus loin, se conformer à des stéréotypes sexuels qui finissent par brouiller la notion de consentement"
Dans les médias jeunes, les séries, les émissions de téléréalité et bien sûr les films porno, le sexe est partout. Et c'est dans ce climat que dès le collège, on vit sa puberté, la transformation de son corps, l'éveil des attirances sexuelle, du sentiment amoureux, et l'ébullition des émotions. Or les lieux pour parler de tout cela avec des adultes sont rares.
"Le sexe devient alors un jeu comme un autre"
Conséquence : "Les adolescents se nourrissent de télé-réalité et de cette société du spectacle où tout n'est qu'apparence, explique Blanche Martire. Le sexe devient alors un jeu comme un autre, il faut se montrer sexy, aller toujours plus loin, se conformer à des stéréotypes sexuels qui finissent par brouiller la notion de consentement"
Sur les réseaux sociaux, une norme sexuelle dictée par les pairs
Avec leur culte de l'image et de la popularité, les réseaux sociaux en remettent une couche. Plus ou moins inspirées par la culture ambiante, des filles affichent sur leur profil des tenues sexy et suggestives. Sous le regard des "amis" et la pression insidieuse de son groupe, on cherche à séduire, on échange des mots qu'on n'aurait jamais oser prononcer en face à face, et surtout des photos et des vidéos à connotation sexuelle.
Ainsi se propage une nouvelle norme sexuelle, d'autant plus oppressante que les jeunes sont connectés à leurs réseaux et ont peu d'autres lieux d'amitié ou d'échange. En même temps, une intolérance se développe envers ceux qui s'écartent de cette norme ou qui la refusent.
"Le critère n'est plus de savoir si l'on aime, mais si l'on plait, si l'on est populaire ou qu'on peut le devenir, si on est reconnu parmi ses pairs. A travers l'autre, c’est sa propre image que l'adolescent cherche à valoriser", analyse le psychothérapeute Christian Richomme dans son livre "Psychologie de la rencontre amoureuse".
L'important n'est plus de savoir si l'on aime, mais si l'on plait
Ainsi se propage une nouvelle norme sexuelle, d'autant plus oppressante que les jeunes sont connectés à leurs réseaux et ont peu d'autres lieux d'amitié ou d'échange. En même temps, une intolérance se développe envers ceux qui s'écartent de cette norme ou qui la refusent.
"Le critère n'est plus de savoir si l'on aime, mais si l'on plait, si l'on est populaire ou qu'on peut le devenir, si on est reconnu parmi ses pairs. A travers l'autre, c’est sa propre image que l'adolescent cherche à valoriser", analyse le psychothérapeute Christian Richomme dans son livre "Psychologie de la rencontre amoureuse".
Des filles dont l'estime de soi est proche de zéro
Photo : Pexels / Andrea Piacquadio
Or cette course à la popularité et à la séduction est en réalité un mirage, une impasse dangereuse à l'âge où l'on est en plein chantier de construction de sa personnalité.
"Les conséquences sur le psychisme adolescent peuvent être dramatiques", écrit Christian Richomme.
Ainsi chez les filles, explique le psy, ces images érotisées finissent par affaiblir l'estime qu'elles ont d'elles-mêmes : "Il leur est impossible de se construire une image positive d’elles-mêmes, car en cherchant constamment à plaire, elles se réduisent à n'être qu'un objet sexuel. Ainsi la construction de leur pudeur, de leur amour-propre et de leur respect est compromise et nous retrouvons en consultation des jeunes filles dont l'estime de soi est proche de zéro !"
"Les conséquences sur le psychisme adolescent peuvent être dramatiques", écrit Christian Richomme.
Ainsi chez les filles, explique le psy, ces images érotisées finissent par affaiblir l'estime qu'elles ont d'elles-mêmes : "Il leur est impossible de se construire une image positive d’elles-mêmes, car en cherchant constamment à plaire, elles se réduisent à n'être qu'un objet sexuel. Ainsi la construction de leur pudeur, de leur amour-propre et de leur respect est compromise et nous retrouvons en consultation des jeunes filles dont l'estime de soi est proche de zéro !"
Le sexting, une pratique courante mais risquée
Le sexting, qui consiste à envoyer des textos à caractère sexuel, contribue à cette perte de repères. C'est une pratique si courante qu'elle fait désormais partie du nouveau langage amoureux.
Chez les 15-17 ans, 18% ont déjà reçu ou envoyé des sextos. Et chez les 16-20 ans, 37% considèrent "acceptable" d'envoyer des photos de soi où l'on est nu(e), d'après le sondage OpinionWay réalisé en 2023 pour les Apprentis d'Auteuil.
La frontière n'est donc plus très nette entre l'intime que l'on garde pour soi et ce qu'on peut montrer. D'autre part, selon Christian Richomme, "l'utilisation du sexting est, pour l’adolescent, une manière de préparer un possible rapport sexuel assez immédiat. L'envoi de sexto va l'amener à être plus téméraire et audacieux que dans la réalité. Cela lui délivre une excitation, ou un canal pour libérer son envie jusqu’à l’aboutissement d’un rapport sexuel réel ou virtuel."
Cela conduit alors à une banalisation des relations sexuelles et à une multiplication des partenaires d'où un risque accru de grossesses et d'infections sexuellement transmissibles. Sans compter, bien sûr, le risque de cyberharcèlement sexuel lorsqu'un "ex" menace de divulguer vos sextos !
Chez les 15-17 ans, 18% ont déjà reçu ou envoyé des sextos. Et chez les 16-20 ans, 37% considèrent "acceptable" d'envoyer des photos de soi où l'on est nu(e), d'après le sondage OpinionWay réalisé en 2023 pour les Apprentis d'Auteuil.
La frontière n'est donc plus très nette entre l'intime que l'on garde pour soi et ce qu'on peut montrer. D'autre part, selon Christian Richomme, "l'utilisation du sexting est, pour l’adolescent, une manière de préparer un possible rapport sexuel assez immédiat. L'envoi de sexto va l'amener à être plus téméraire et audacieux que dans la réalité. Cela lui délivre une excitation, ou un canal pour libérer son envie jusqu’à l’aboutissement d’un rapport sexuel réel ou virtuel."
Cela conduit alors à une banalisation des relations sexuelles et à une multiplication des partenaires d'où un risque accru de grossesses et d'infections sexuellement transmissibles. Sans compter, bien sûr, le risque de cyberharcèlement sexuel lorsqu'un "ex" menace de divulguer vos sextos !
La notion de consentement reste floue !
Mais surtout, "ces échanges numériques conduisent les adolescents à se perdre dans l’artificiel, dans le sensationnel, au détriment d'une sexualité épanouie, ressentie et tendre", dit Christian Richomme.
En communiquant par sextos, on vit une "proximité de façade", et l'on se prive en effet de la parole, de la découverte progressive de l'autre, du respect de son mystère, des sorties partagées, de la tendresse, de l'écoute de ses propres sentiments, et de la réflexion nécessaire à un vrai consentement.
Au lieu de chercher à vivre des relations amoureuses uniques et authentiques, les garçons cherchent trop souvent à reproduire des pratiques sexuelles considérées comme des modèles à suivre. "Cela soumet les filles à une pression, avec des demandes loin de leurs espérances et leurs désirs, écrit Christian Richomme. Certaines ne savent pas comment dire non et leurs premières relations sont malheureuses, douloureuses et traumatisantes".
Cela explique aussi pourquoi la notion de consentement reste si floue : 28% des garçons de 16 à 20 ans considèrent que "dans le cadre d'une relation de couple, on doit accepter d'avoir des relations sexuelles à chaque fois que l'autre en a envie" !
En communiquant par sextos, on vit une "proximité de façade", et l'on se prive en effet de la parole, de la découverte progressive de l'autre, du respect de son mystère, des sorties partagées, de la tendresse, de l'écoute de ses propres sentiments, et de la réflexion nécessaire à un vrai consentement.
Certaines fille ne savent pas comment dire non et leurs premières relations sont malheureuses, douloureuses et traumatisantes
Au lieu de chercher à vivre des relations amoureuses uniques et authentiques, les garçons cherchent trop souvent à reproduire des pratiques sexuelles considérées comme des modèles à suivre. "Cela soumet les filles à une pression, avec des demandes loin de leurs espérances et leurs désirs, écrit Christian Richomme. Certaines ne savent pas comment dire non et leurs premières relations sont malheureuses, douloureuses et traumatisantes".
Cela explique aussi pourquoi la notion de consentement reste si floue : 28% des garçons de 16 à 20 ans considèrent que "dans le cadre d'une relation de couple, on doit accepter d'avoir des relations sexuelles à chaque fois que l'autre en a envie" !
La consommation de pornographie omniprésente
La consommation massive de pornographie par les jeunes a bien sûr une grosse influence sur ce "code" amoureux et sexuel.
Ainsi 27% des jeunes Français de 16 à 20 ans interrogés par OpinionWay considèrent que "le désir des garçons est incontrôlable". Et 25% pensent que "dans une relation sexuelle, une fille peut aimer être forcée", stéréotype colporté par l'industrie pornographique.
Des représentations en décalage total avec la réalité de la rencontre amoureuse qui ne peut être heureuse que dans le respect total et la confiance mutuelle. "Or le véritable risque de la pornographie est de croire que la sexualité se passe comme dans ces films, dit Christian Richomme. Lors des premiers rapports sexuels, les garçons sont heurtés par la différence entre ce qu’ils avaient vu et ce qu’ils vivent. Ils sont désemparés et perdent confiance en eux".
Ainsi 27% des jeunes Français de 16 à 20 ans interrogés par OpinionWay considèrent que "le désir des garçons est incontrôlable". Et 25% pensent que "dans une relation sexuelle, une fille peut aimer être forcée", stéréotype colporté par l'industrie pornographique.
Des représentations en décalage total avec la réalité de la rencontre amoureuse qui ne peut être heureuse que dans le respect total et la confiance mutuelle. "Or le véritable risque de la pornographie est de croire que la sexualité se passe comme dans ces films, dit Christian Richomme. Lors des premiers rapports sexuels, les garçons sont heurtés par la différence entre ce qu’ils avaient vu et ce qu’ils vivent. Ils sont désemparés et perdent confiance en eux".
A quand une véritable éducation affective et sexuelle ?
C'est là le paradoxe terrible de cette culture où en croyant en apprendre davantage sur la sexualité, on en perd le sens véritable qui est d'exprimer l'amour pour bâtir une relation solide et épanouissante.
Mais cela exigerait sans doute une véritable éducation affective et sexuelle comme par exemple celles que prodiguent quelques établissements scolaires.
"Dans nos séances, on peut dire ce qu'on veut, on n'est pas jugé, dit Mattéo, élève dans un lycée des Apprentis d'Auteuil." Et ce sont justement les séances sur le consentement et le respect filles-garçons qui l'ont le plus marqué. "Cela aide à prendre conscience de certaines choses, à réfléchir et à évoluer..."
Mais cela exigerait sans doute une véritable éducation affective et sexuelle comme par exemple celles que prodiguent quelques établissements scolaires.
"Dans nos séances, on peut dire ce qu'on veut, on n'est pas jugé, dit Mattéo, élève dans un lycée des Apprentis d'Auteuil." Et ce sont justement les séances sur le consentement et le respect filles-garçons qui l'ont le plus marqué. "Cela aide à prendre conscience de certaines choses, à réfléchir et à évoluer..."