Le sport pour aider les jeunes malades du cancer


Tags : santé, sport

Ils ont entre 15 et 25 ans et sont atteints de leucémie. À l’hôpital Saint-Louis à Paris, ils peuvent être accompagnés par la "CAMI Sport & Cancer", association qui propose des cours de karaté, de danse ou de taï-chi-chuan, en collaboration avec l'association Laurette Fugain. Objectif : continuer à bouger contre la maladie.




Crédit photo : CAMI Sport & Cancer / Laurette Fugain
Crédit photo : CAMI Sport & Cancer / Laurette Fugain
"Je marche à pas de fourmi ! Je suis impatiente de retrouver mes jambes!", s’exclame Marine, 26 ans, chemise en jean et turban gris sur la tête, dans sa chambre de l’hôpital Saint-Louis qu'elle s'apprête à quitter après plus d'un mois et demi d'hospitalisation.

Atteinte d'une leucémie aïgue depuis 18 mois, la jeune femme a subi plusieurs cures intensives de chimiothérapie. "Avec les traitements, j'ai perdu beaucoup de masse musculaire, explique-telle. C'est difficile au quotidien de se rendre compte que nos fonctions sont tellement amoindries". Pour l'aider à reprendre des forces, elle reçoit la visite de Roseline, karatéka et éducatrice sportive au sein de l'association la CAMI qui offre des cours de sports aux patients atteints de cancers ou en rémission.
 
"Il y a la maladie, mais aussi de jolis moments comme celui-ci"

Debout dans la petite chambre d’hôpital, entre le lit et la télévision, l'éducatrice aide Marine à effectuer une série d'exercices de renforcement musculaire. "C'est bien Nini tu vas super vite. On en est déjà 30 flexions !", l'encourage sa grande soeur, venue lui rendre visite, et qui prend régulièrement part à la leçon.
"C'est super que les proches s'investissent aussi, confie Roseline. Une fois, je suis arrivée et les deux soeurs dansaient dans la chambre. Il y a la maladie mais aussi de jolis moments comme celui-ci".

Malgré un petit étourdissement, plusieurs pauses et quelques moments de découragements, Marine enchaîne courageusement les mouvements.  "Peu importe si nous devons finir le cours assises ou même allongées, explique calmement Roseline. Il faut être patiente, prendre son temps. L'important est de continuer à bouger !"

Bouger pour conserver ses muscles et lutter contre la fatigue

Le sport pour aider les jeunes malades du cancer
Continuer à bouger envers et contre la maladie : tel est le credo de la CAMI, association que Roseline a rejointe il y a maintenant 5 ans. Elle a été fondée en 2000 par le docteur Thierry Bouillet, cancérologue, et par Jean-Marc Descotes, sportif de haut niveau, pour accompagner les personnes de tout âge, en traitement ou en rémission d’un cancer, à travers des programmes d'activité physique et sportive.

Elle a depuis développé sa propre technique d’enseignement, le "Médiété", qui peut s’adapter à tous les sports, et dont l’objectif est d'apprendre à bien connaître son corps pour en tirer le meilleur.

La CAMI dispense aussi bien ses cours en collectif en ville qu'en leçons particulières auprès de patients hospitalisés. "La difficulté des cours collectifs est qu’il faut prendre en compte la pathologie de chacun, faire avec des patients qui en sont à des stades différents de leur maladie, témoigne Roseline. Il peut y avoir de l’essoufflement ou des petits malaises." Pour remplir ces missions délicates, tous les enseignants de la CAMI sont titulaires d'un diplôme universitaire (DU) "Sport et cancer".
 
"Les patients se sentent moins épuisés, les résultats sont très rapides"

Poursuivre une activité physique durant la maladie permet de diminuer l’anxiété, de conserver ses muscles, et surtout de lutter contre la fatigue. "On s'est aperçu que les résultats étaient très rapides, note Roseline. Les patients se sentent moins épuisés. C'est fondamental car, dans certains cas, il arrive que les traitements ne puissent être administrés aux malades en raison de leur état physique. A raison de deux ou trois fois par semaine, on obtient, dès les premiers mois, une baisse d’environ 30% de cette fatigue."

Un projet porté par deux associations

Le programme de la CAMI Sport & Cancer à l'hôpital St-Louis a démarré en septembre 2012 sous l'impulsion d'une autre association, "Laurette Fugain" - du nom d'une jeune fille emportée par une leucémie en 2002 - qui apporte son soutien aux malades de leucémie hospitalisés dans les services d'hématologie.

Lorsque l'association Laurette Fugain découvre la CAMI Sport & Cancer, elle lui demande de  créer un programme d'activités sportives spécifique pour les patients en hématologie, au sein même des unités de soins. Le projet est ainsi porté par les deux associations en concertation avec les équipes de soignants de l'APHP et le soutien et l'enthousiasme des médecins hématologues.

Quand la vie bascule en pleine adolescence

Cependant, dans le service de jeunes adultes dans lequel exerce Roseline, il faut composer avec un public jeune, qui a bien souvent envie, et besoin, de faire abstraction de la maladie. "Parfois, je rentre dans leur chambre à 11h, ils dorment encore, ont passé la nuit sur internet, raconte-t-elle. J'entre, j’ouvre les stores, je dois un peu sonner les trompettes !"

Et quand ils rentrent chez eux entre deux hospitalisations, adolescents et jeunes adultes ont un peu tendance à manger des chips, se coucher tard, et à oublier leurs médicaments. "On a beaucoup de problème d'observance des traitements", constate Roselyne.

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Le moral n'est pas toujours au rendez-vous et les conditions dans lesquelles ils sont hospitalisés sont souvent très violentes : "Il y a une vraie urgence, du jour au lendemain ils entrent dans le service pour au moins cinq semaines, poursuit-elle. L'univers ici est assez carcéral, on ne peut pas ouvrir les fenêtres, on doit porter un masque et une charlotte sur la tête pour leur rendre visite."

Et de se souvenir de cette planche de surf qu'elle a un jour trouvée, posée contre la porte d'une chambre du service. "C'était un jeune parti étudier à Rio au Brésil auquel on venait de diagnostiquer une leucémie. Ses parents étaient allés le chercher à l'aéroport et l'avaient conduit directement ici, ils n'avaient même pas eu le temps de repasser à la maison pour déposer ses affaires."

De cette vie qui bascule, le jeune en question, Pierre, la petite vingtaine, a tiré un livre : "Rio - Saint-Louis, sang dessus-dessous". Il y raconte son combat contre la maladie, les traitements, avec précision et parfois avec humour.
 

Mieux supporter les traitements et retrouver l'estime de soi

Dans la chambre d’à côté de celle de Marine, Jean-Alexandre, 24 ans, espère également quitter l’hôpital dans les jours qui viennent. Au milieu de la pièce, sous un tableau blanc couvert de messages de ses amis, trône un vélo d'appartement et une paire d’haltères jaunes. Arbitre de football et grand sportif, il accueille Roseline, sourire aux lèvres, en commentant le match de football de la veille.

Depuis le début de son hospitalisation il y a un mois, il a fait du sport un des atouts de sa guérison. "Le matin, j’ai des visites de médecins et d’infirmières, et dès 11 heures j’essaie de me mettre au sport, détaille-t-il. J’ai perdu 10 kilos car je ne pouvais plus rien avaler, mais petit à petit je commence à reprendre du poids". Une activité physique qui l’a, selon l’infirmier qui s’occupe de lui, beaucoup aidé à surmonter les difficultés de son traitement.
 
"C'est quand même ce qui m'a aidé à tenir"

"Nous savons que la fonte musculaire est un facteur aggravant, confirme Sarah, médecin interne du service. Lorsqu’ils font du sport, les traitements se passent mieux, ils dorment mieux et ont aussi une meilleure estime d’eux-mêmes."

Le cours s’achève pour Jean-Alexandre, heureux d’être allé au bout de sa séance, malgré quelques douleurs et un cathéter en mauvais état. "C'est quand même ce qui m'a aidé à tenir, confie-t-il. Le sport, la famille et peut-être aussi une superbe copine", conclut-il en souriant, à l’attention d’une jeune femme, cheveux remontés sous une charlotte et longues boucles d’oreilles argentés, qui vient de pousser la porte.

Pour en savoir plus :
- sur La Cami "Sport & Cancer" : www.sportetcancer.com et sa page Facebook
- sur l'association Laurette Fugain et sa page Facebook
 

le 13 Juillet 2016

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