Peux-tu nous parler un peu de toi ?
J'ai 24 ans, je suis issue d'un milieu assez traditionnel, avec un père grec orthodoxe et une mère catholique fervente. A mon tour, j’aimerais fonder une famille, fidèle aux valeurs reçues à travers mon éducation. Le mariage est important pour moi. Côté études, je prépare actuellement le concours du Capes d’Histoire-Géographie. Je suis tombée enceinte par « accident », après un an et demi d'une histoire très compliquée, avec un garçon musulman que j’aimais profondément. Mais notre relation se détériorait de plus en plus, je m'éloignais progressivement de mes parents. J’ai donc décidé de partir en mission humanitaire à Madagascar pour quelques mois. A travers ce voyage, j’espérais prendre du recul face à mes problèmes de couple. C’est une fois arrivée sur place que j'ai réalisé que j'étais enceinte.
Ta vie a basculé lorsque tu as appris ta grossesse. Comment cela s’est-il passé ?
Tout a commencé à mon arrivée dans les bidonvilles de Tana. Autant vous dire que j'étais toute seule là-bas ! Au début, j’ai paniqué. « C’est pas possible, ma vie va être foutue, mes parents vont me rejeter », me disais-je. Mais en même temps, je sentais cette vie en moi… Si on prend le temps de rester un peu seule face à cet événement, il se passe quelque chose de merveilleux en soi ; on réalise qu’on porte une vie... Bien sûr, ce sont tous les symptômes (nausées le matin, gros coups de fatigue… ) qui m'ont fait réaliser que j’étais peut-être enceinte. J’ai donc effectué deux tests pour m’en assurer. Alors que mon moral baissait depuis des mois, cette nouvelle m’a redonné un indicible espoir. Pourtant, je restais déboussolée. Que faire ?
Comment as-tu réalisé que tu voulais garder ton enfant ?
En fait, quelques jours après mon arrivée, alors que je n’osais pas faire de test tant l’angoisse était forte, j’ai rencontré un Français (que j’avais croisé la veille de mon départ à Paris) qui m’a à son tour présenté des couples d’expatriés. Ces personnes m’ont aidé à prendre du recul face à la nouvelle. Loin des miens, j’ai pu me confier à elles. Pour prendre une telle décision, il faut réfléchir à tout : qu'est-ce qu'un bébé, les joies, les bouleversements, les aides que nous avons la chance d'avoir dans notre pays (crèche, soutiens financiers…). Je n’avais pas de pression particulière, bien que le père soit tiraillé entre la joie et la volonté de sa famille de me voir avorter. Alors j’ai essayé de faire le vide. Puis j’ai pris un vol pour Paris, le cœur rempli de doutes : comment cela va-t-il se passer avec ma famille, avec le papa ? Quel avenir m'attend ? Mais au fond, je me sentais de plus en plus sereine, réconfortée par cette vie en devenir.