Jean-Nicolas au cours de sa mission auprès des enfants migrants (DR)
Après avoir obtenu une licence de "chargé de services généraux – logistique humanitaire" à l'Institut Bioforce de Vénissieux, Jean-Nicolas a passé avec succès les tests de sélection de Médecins sans Frontières (MSF) en Belgique.
Et les missions humanitaires se sont alors enchaînées : "En 2015, après une première mission en Guinée sur le virus Ebola, suivie d'une campagne de vaccination en Centrafrique, j'ai été envoyé en Grèce, sur les îles et dans le nord du pays, afin de venir en aide aux migrants qui y arrivaient en masse". Un début de vie professionnelle plutôt intense pour un jeune diplômé.
"En Grèce, concrètement, mon rôle consistait à mettre en place des stratégies de distribution de produits, essentiellement non alimentaires (couvertures, kits d’hygiène, etc)".
Et les missions humanitaires se sont alors enchaînées : "En 2015, après une première mission en Guinée sur le virus Ebola, suivie d'une campagne de vaccination en Centrafrique, j'ai été envoyé en Grèce, sur les îles et dans le nord du pays, afin de venir en aide aux migrants qui y arrivaient en masse". Un début de vie professionnelle plutôt intense pour un jeune diplômé.
"En Grèce, concrètement, mon rôle consistait à mettre en place des stratégies de distribution de produits, essentiellement non alimentaires (couvertures, kits d’hygiène, etc)".
Dès la sortie de l'aéroport, une situation chaotique
"Avant de me rendre sur place, j'avais été prévenu que la situation y était chaotique, que ce serait difficile émotionnellement, notamment en raison de la grande détresse des migrants, explique Jean-Nicolas. La mission s’annonçait également compliquée car la politique migratoire des Balkans ou de l’Union européenne ne cessait d’évoluer.
Quant aux migrants, ils modifiaient aussi régulièrement leurs itinéraires de passage. Il faudrait donc sans cesse s’adapter à ces réalités".
En sortant de l'aéroport de Mytilène, capitale de l'île grecque de Lesbos, j’ai rapidement aperçu les premiers stigmates de la crise : des gilets de sauvetage orange fluo échoués sur le sable, sur la mer, des bateaux gonflables aplatis çà et là. Puis, en approchant du port, des enfants, des femmes, des hommes, emmitouflés dans des couvertures.
Peu de temps après mon arrivée au bureau, l'un des logisticiens m’a emmené faire le tour de cette île : le port, les cliniques mobiles de MSF, les camps illégaux - des centaines de tentes de camping montées à flanc de colline - les camps de transit, les petites baraques de l'UNHCR (l’agence des Nations unies pour les réfugiés, ndlr).
Je me souviens encore de cette femme, le regard plein d'angoisse et d'espoir, un bébé dans les bras, qui nous a interpellés, "malade, bébé malade", en pointant du doigt le logo MSF sur nos poitrines. Ou encore de la détresse d'une autre, à peine débarquée d'une traversée éprouvante, un enfant tremblant de froid dans les bras, et dont le mari avait été emmené en ambulance vers une destination inconnue."
Quant aux migrants, ils modifiaient aussi régulièrement leurs itinéraires de passage. Il faudrait donc sans cesse s’adapter à ces réalités".
En sortant de l'aéroport de Mytilène, capitale de l'île grecque de Lesbos, j’ai rapidement aperçu les premiers stigmates de la crise : des gilets de sauvetage orange fluo échoués sur le sable, sur la mer, des bateaux gonflables aplatis çà et là. Puis, en approchant du port, des enfants, des femmes, des hommes, emmitouflés dans des couvertures.
"Je me souviens de cette femme, un bébé malade dans les bras"
Peu de temps après mon arrivée au bureau, l'un des logisticiens m’a emmené faire le tour de cette île : le port, les cliniques mobiles de MSF, les camps illégaux - des centaines de tentes de camping montées à flanc de colline - les camps de transit, les petites baraques de l'UNHCR (l’agence des Nations unies pour les réfugiés, ndlr).
Je me souviens encore de cette femme, le regard plein d'angoisse et d'espoir, un bébé dans les bras, qui nous a interpellés, "malade, bébé malade", en pointant du doigt le logo MSF sur nos poitrines. Ou encore de la détresse d'une autre, à peine débarquée d'une traversée éprouvante, un enfant tremblant de froid dans les bras, et dont le mari avait été emmené en ambulance vers une destination inconnue."
Le travail du logisticien : élaborer des stratégies de distribution
"Après ces premières visites de terrains, j'ai passé beaucoup de temps derrière mon ordinateur à élaborer des stratégies de distribution.
La principale difficulté était le côté extrêmement fluctuant de la situation. Le temps de mettre en place une méthode, celle-ci était déjà obsolète, car la réalité avait déjà changé".
La principale difficulté était le côté extrêmement fluctuant de la situation. Le temps de mettre en place une méthode, celle-ci était déjà obsolète, car la réalité avait déjà changé".
"Ce n'est pas pour autant que je n'étais pas au cœur de l’urgence et de l’action. Un soutien aux équipes de terrain a souvent été nécessaire. Il m’est même arrivé de distribuer directement des produits aux réfugiés.
Certains soirs, j’ai aussi rejoint les équipes de nuit pour patrouiller le long des côtes, guettant l’arrivée des canots pneumatiques des migrants. Dans l'attente, les membres des ONG et des Nations-unies s’avertissent mutuellement en pointant l’arrivée des bateaux sur Google Maps et en partageant ces positions via l'application Whatsapp.
Quand ils accostent enfin, les volontaires aident les réfugiés, aux mines exténuées, à descendre. En touchant terre, ils laissent éclater leur joie : ils sont alors encore si loin d’imaginer l’insalubrité qui les attend dans ces camps et les péripéties qui leur restent à surmonter pour atteindre leur but illusoire d’un monde meilleur".
Certains soirs, j’ai aussi rejoint les équipes de nuit pour patrouiller le long des côtes, guettant l’arrivée des canots pneumatiques des migrants. Dans l'attente, les membres des ONG et des Nations-unies s’avertissent mutuellement en pointant l’arrivée des bateaux sur Google Maps et en partageant ces positions via l'application Whatsapp.
Quand ils accostent enfin, les volontaires aident les réfugiés, aux mines exténuées, à descendre. En touchant terre, ils laissent éclater leur joie : ils sont alors encore si loin d’imaginer l’insalubrité qui les attend dans ces camps et les péripéties qui leur restent à surmonter pour atteindre leur but illusoire d’un monde meilleur".
Derrière chaque réfugié, une histoire
"Entrer ainsi en contact avec des migrants amène à réfléchir à l’histoire de chacun, au-delà des chiffres et du phénomène de masse. J’ai été très marqué par les conditions dans lesquelles ces êtres humains se retrouvent à cause de décisions politiques prises loin du terrain, à la manière tragique dont ils sont accueillis après avoir traversé des zones de guerre, des cols enneigés, et la mer sur des bateaux gonflables.
Pour donner un exemple, il y a un camp, dans le nord de la Grèce, à la frontière avec la Macédoine, qui était prévu pour accueillir 1 300 personnes mais sur lequel nous nous sommes retrouvés à en gérer 14 000. Les gens ont faim, froid, ils ont des enfants. Le climat est très angoissant."
Pour donner un exemple, il y a un camp, dans le nord de la Grèce, à la frontière avec la Macédoine, qui était prévu pour accueillir 1 300 personnes mais sur lequel nous nous sommes retrouvés à en gérer 14 000. Les gens ont faim, froid, ils ont des enfants. Le climat est très angoissant."
Métiers de l'humanitaire : savoir rester professionnel
"En tant que travailleur humanitaire, il est donc important de cultiver un certain détachement par rapport à ce que nous vivons, souligne le jeune logisticien. C’est impératif pour ne pas sombrer dans le burn-out, voire dans la folie. D'ailleurs, au vu de la difficulté de ces expériences, les liens avec les autres membres de MSF, et même des autres ONG, se créent souvent très rapidement et sont très forts".
Et au retour en France, que faire de toutes ces émotions ? Jean-Nicolas ne le cache pas : le passage d'un univers à l'autre n'est pas toujours simple. "Il est très important de savoir faire la part des choses entre le terrain et la société dans laquelle nous retournons, au risque de ne plus pouvoir s'adapter du tout au retour de mission", dit-il.
D'ailleurs après quatre missions humanitaire en un an, des sollicitations constantes et des responsabilités épuisantes, Jean-Nicolas a ressenti le besoin de poser ses bagages pour prendre un peu de repos auprès des siens. Avant, peut-être, de repartir sur le terrain.
Et au retour en France, que faire de toutes ces émotions ? Jean-Nicolas ne le cache pas : le passage d'un univers à l'autre n'est pas toujours simple. "Il est très important de savoir faire la part des choses entre le terrain et la société dans laquelle nous retournons, au risque de ne plus pouvoir s'adapter du tout au retour de mission", dit-il.
D'ailleurs après quatre missions humanitaire en un an, des sollicitations constantes et des responsabilités épuisantes, Jean-Nicolas a ressenti le besoin de poser ses bagages pour prendre un peu de repos auprès des siens. Avant, peut-être, de repartir sur le terrain.
Logisticien humanitaire : un métier méconnu
Lors d'une mission humanitaire, le logisticien est celui qui gère toute l'organisation matérielle, par exemple les approvisionnements et les distributions de vivres ou de couvertures. Il peut aussi être responsable de la maintenance des équipements (véhicules, énergie...), gérer la mise en place d'un camp, organiser une campagne de vaccination et faire le lien entre le terrain et les services centraux d'une ONG.
L'Institut Bioforce à Lyon dispense diverses formations aux métiers de la solidarité internationale dont une licence professionnelle postbac "Chargé des services généraux / Logistique humanitaire" accessible aux 18-22 ans.
Rens. : http://humanitaire.institutbioforce.fr
Lors d'une mission humanitaire, le logisticien est celui qui gère toute l'organisation matérielle, par exemple les approvisionnements et les distributions de vivres ou de couvertures. Il peut aussi être responsable de la maintenance des équipements (véhicules, énergie...), gérer la mise en place d'un camp, organiser une campagne de vaccination et faire le lien entre le terrain et les services centraux d'une ONG.
L'Institut Bioforce à Lyon dispense diverses formations aux métiers de la solidarité internationale dont une licence professionnelle postbac "Chargé des services généraux / Logistique humanitaire" accessible aux 18-22 ans.
Rens. : http://humanitaire.institutbioforce.fr