Image d'ouverture du webdoc de France 24 "Si je reviens un jour".
"Nous sommes tous arrêtés. Je vous laisse les livres qui ne sont pas à moi et aussi quelques lettres que je voudrais retrouver si je reviens un jour"...
Ce 22 janvier 1944, mademoiselle Malingrey découvre ces quelques mots tracés à la va-vite et signés "Louise". Son coeur se serre : Louise est son élève et la veille au soir, elle est venue travailler chez elle mais elle a refusé son offre de rester dormir.
Louise n'a pas voulu quitter sa famille : son père, sa mère, ses deux soeurs et son frère. Le lendemain, tous les membres de cette famille juive sont arrêtés et emmenés à Drancy, avant de faire partie du convoi 67 qui part pour Auschwitz le 3 février 1944.
Ce 22 janvier 1944, mademoiselle Malingrey découvre ces quelques mots tracés à la va-vite et signés "Louise". Son coeur se serre : Louise est son élève et la veille au soir, elle est venue travailler chez elle mais elle a refusé son offre de rester dormir.
Louise n'a pas voulu quitter sa famille : son père, sa mère, ses deux soeurs et son frère. Le lendemain, tous les membres de cette famille juive sont arrêtés et emmenés à Drancy, avant de faire partie du convoi 67 qui part pour Auschwitz le 3 février 1944.
Des lettres perdues et retrouvées 70 ans plus tard
Toute sa vie, mademoiselle Malingrey, l'enseignante de latin-grec de Louise, se souviendra de cette élève brillante à laquelle elle s'était attachée. Mais au lycée La-Fontaine, ce souvenir se perd comme d'ailleurs celui des autres lycéennes déportées. Jusqu'à ce qu'en 2010, un professeur de mathématiques découvre dans un vieux placard un paquet de lettres, une Bible, et des "livrets de récompense" (bulletins scolaires de l'époque).
Les lettres sont celles que Louise écrivit à l'été 42 à mademoiselle Malingrey. Elle n'a que 14 ans à l'époque, mais déjà une maturité étonnante. Louise s'ennuie durant les vacances scolaires et le lycée lui manque. Elle ne s'étend pas sur les difficultés de la vie d'une famille juive durant la guerre, mais s'interroge sur la joie, la souffrance, la religion, le sens de la vie. Elle aime tellement lire et réfléchir qu'elle fait de son professeur une confidente et un guide.
Les lettres sont celles que Louise écrivit à l'été 42 à mademoiselle Malingrey. Elle n'a que 14 ans à l'époque, mais déjà une maturité étonnante. Louise s'ennuie durant les vacances scolaires et le lycée lui manque. Elle ne s'étend pas sur les difficultés de la vie d'une famille juive durant la guerre, mais s'interroge sur la joie, la souffrance, la religion, le sens de la vie. Elle aime tellement lire et réfléchir qu'elle fait de son professeur une confidente et un guide.
Quelques passages des lettres retrouvées
"Oui, vous avez raison mademoiselle, Dieu seul peut nous aider et je crois, je crois fermement bien que j'aie longtemps lutté. Tant de choses me déplaisaient chez les gens croyants et pratiquants ! Ma grand-mère par exemple qui tomberait certainement malade si elle savait que nous écrivons le samedi. Et toutes ces pratiques établies en d'autres temps et qui n'ont aucune raison d'exister maintenant !
Voir des luttes entre des gens qui croient en un seul Dieu et à qui on enseigne l'amour de son prochain. Voir des gens si méchants pratiquer la "religion matérielle".
Surtout, ne pas pouvoir comprendre de toutes petites choses mais que personne ne m'expliquait. Tout cela m'a tant déplu que j'aie longtemps hésité. Mais vous m'avez vaincue... Je crois que Dieu nous aide mais je ne crois pas qu'Il nous entende. Je crois qu'Il nous réconforte par nous-mêmes puisque la prière nous réconforte et que sa justice s'exerce encore par nous-mêmes puisque, lorsque nous croyons, que nous cherchons avec sincérité la voie du bien nous sommes heureux tandis que les méchants ne connaissent pas la joie avec sa douceur et sa force.
Mademoiselle, je vous dis ce que je n'ai jamais dit à personne, mais je vous aime et je vous admire."
Voir toutes les lettres numérisées ci-dessous en format pdf :
"Oui, vous avez raison mademoiselle, Dieu seul peut nous aider et je crois, je crois fermement bien que j'aie longtemps lutté. Tant de choses me déplaisaient chez les gens croyants et pratiquants ! Ma grand-mère par exemple qui tomberait certainement malade si elle savait que nous écrivons le samedi. Et toutes ces pratiques établies en d'autres temps et qui n'ont aucune raison d'exister maintenant !
Voir des luttes entre des gens qui croient en un seul Dieu et à qui on enseigne l'amour de son prochain. Voir des gens si méchants pratiquer la "religion matérielle".
Surtout, ne pas pouvoir comprendre de toutes petites choses mais que personne ne m'expliquait. Tout cela m'a tant déplu que j'aie longtemps hésité. Mais vous m'avez vaincue... Je crois que Dieu nous aide mais je ne crois pas qu'Il nous entende. Je crois qu'Il nous réconforte par nous-mêmes puisque la prière nous réconforte et que sa justice s'exerce encore par nous-mêmes puisque, lorsque nous croyons, que nous cherchons avec sincérité la voie du bien nous sommes heureux tandis que les méchants ne connaissent pas la joie avec sa douceur et sa force.
Mademoiselle, je vous dis ce que je n'ai jamais dit à personne, mais je vous aime et je vous admire."
Louise Pikovsky, extrait de la lettre du 12 août 1942
Voir toutes les lettres numérisées ci-dessous en format pdf :
Un travail de mémoire pour retracer la vie de Louise Pikovsky
Le professeur de mathématiques conserve précieusement ces lettres mais lorsqu'elle part en retraite, elle les confie à l'enseignante documentaliste du lycée La-Fontaine Khalida Hatchy. Et celle-ci à son tour contacte une journaliste de France24 spécialiste de la Seconde Guerre mondiale.
Elles mènent alors une véritable enquête, de Paris à Jérusalem, pour reconstituer l'histoire de Louise Pikovsky, de sa famille, de son arrestation, allant jusqu'à retrouver ses anciennes camarades de classe ou ses cousines, de vieilles dames de 90 ans qui ignoraient tout du destin de Louise.
Le récit de Khalida Hatchy et Stéphanie Trouillard de France 24 à la radio
Elles mènent alors une véritable enquête, de Paris à Jérusalem, pour reconstituer l'histoire de Louise Pikovsky, de sa famille, de son arrestation, allant jusqu'à retrouver ses anciennes camarades de classe ou ses cousines, de vieilles dames de 90 ans qui ignoraient tout du destin de Louise.
Le récit de Khalida Hatchy et Stéphanie Trouillard de France 24 à la radio
Un webdoc bouleversant et passionnant
Le fruit de cette enquête a été remarquablement présenté dans un webdoc publié par France 24 et intitulé "Si je reviens un jour", des mots-mêmes de Louise Pikowsky.
On y découvre l'intégralité des lettres manuscrites retrouvées qui ont été numérisées et permettent de découvrir l'écriture déjà affirmée et si émouvante de Louise.
Mais aussi des précisions historiques sur les circonstances de l'arrestation de la famille Pikovsky, famille juive d'origine russe pourtant naturalisée mais victime des lois racistes du régime de Vichy (qui annule les naturalisations, ce qui provoque la déportation de illiers de familles).
On y découvre l'intégralité des lettres manuscrites retrouvées qui ont été numérisées et permettent de découvrir l'écriture déjà affirmée et si émouvante de Louise.
Mais aussi des précisions historiques sur les circonstances de l'arrestation de la famille Pikovsky, famille juive d'origine russe pourtant naturalisée mais victime des lois racistes du régime de Vichy (qui annule les naturalisations, ce qui provoque la déportation de illiers de familles).
Découvrir l'intégralité du webdoc :
http://webdoc.france24.com/si-je-reviens-un-jour-louise-pikovsky/accueil
http://webdoc.france24.com/si-je-reviens-un-jour-louise-pikovsky/accueil
Quand l'Histoire rejoint notre histoire : les élèves du lycée La-Fontaine impliqués
Lire les lettres de Louise et découvrir les détails de son histoire et de celle de sa famille - comme l'internement de son père victime de la rafle du Vel d'Hiv en juillet 42 puis libéré - redonne une émouvante véracité à nombre d'événements historiques.
Les élèves du lycée La-Fontaine en savent quelque chose : pour réaliser les recherche sur Louise Pikovsky, la documentaliste Khalida Hatchy a associé certaines classes. Et les lycéens sont partis eux-même fouiller les archives de leur établissement pour trouver des documents évoquant Louise mais aussi d'autres jeunes filles élèves du lycée (alors réservé aux filles).
Dans le webdoc, deux lycéenne disent ainsi leur émotion lorsqu'elle retrouve la trace d'une autre ancienne, déportée elle-aussi, Berthe Bauman. Découvrir que certaines élèves de son lycée ont subi les persécutions de la Seconde Guerre mondiale et qu'un matin, certaines ne sont pas revenues en classe, voilà qui fait bien réfléchir, et renvoie à sa propre vie.
Les élèves du lycée La-Fontaine en savent quelque chose : pour réaliser les recherche sur Louise Pikovsky, la documentaliste Khalida Hatchy a associé certaines classes. Et les lycéens sont partis eux-même fouiller les archives de leur établissement pour trouver des documents évoquant Louise mais aussi d'autres jeunes filles élèves du lycée (alors réservé aux filles).
Dans le webdoc, deux lycéenne disent ainsi leur émotion lorsqu'elle retrouve la trace d'une autre ancienne, déportée elle-aussi, Berthe Bauman. Découvrir que certaines élèves de son lycée ont subi les persécutions de la Seconde Guerre mondiale et qu'un matin, certaines ne sont pas revenues en classe, voilà qui fait bien réfléchir, et renvoie à sa propre vie.
Photo de la classe de Louise Pikovsky (2ème en partant de la droite au 1er rang). Source : "Si je reviens un jour".