"Je suis l’enfant d’une femme et d’un petit tube en verre. L’enfant des traitements hormonaux, des rendez-vous à l’hôpital, des essais, l’enfant aseptisé, témoigne Julie, 19 ans, sur le site de l'Association Procréation Médicalement Anonyme, qui militait pour la levée de l'anonymat du don de gamètes à l'occasion de la révision des lois de bioéthique.
"Sur le principe tout va bien, tout cela je ne m’en souviens pas. J’ai été aimée par deux personnes à même titre que mes parents", explique la jeune fille. "Mais je ne veux plus, assise dans le bus, regarder l’homme en face de moi et me dire qu’il pourrait être mon géniteur. On m’a pris ce qui faisait moi, on l’a mis dans une boîte, on a fermé la boîte, on a caché la boîte et on m’a dit qu’on ne me dirait jamais ce qu’il y a dedans. Je veux qu’on me rende ma boîte".
Les députés ont pourtant refusé d'entendre ces demandes, et n'ont pas voulu réviser sur ce point la loi française qui prévoit un anonymat absolu pour tout donneur de sperme ou d'ovocytes et donc, l'impossibilité pour les enfants conçus par "procréation médicalement assistée" de connaître leur géniteur. Motif : "L'anonymat préserve les dons", a soutenu le ministre de la santé Xavier Bertrand. Le député Jean Leonetti, lui, a estimé que lever l’anonymat reviendrait à "faire primer le biologique sur l’affectif et l’éducatif", ce qu’il définit comme "une dérive vers le tout génétique" qu’il juge dangereuse. Pour d'autres, la levée de l’anonymat aurait pu conduire à une déstabilisation de la famille dans le cas où le géniteur viendrait à s’y introduire, ce qui ne s'est pourtant pas produit dans les pays qui ont levé l'anonymat.
La loi dit non aux mères porteuses
Par contre, deux nouvelles mesures proposés par des députés de l’opposition pour développer la procréation médicalement assistée (PMA) n'ont pas été retenues : la gestation pour autrui (ou dispositif des "mères porteuses") demeure interdite. L'argument soulignant que cela pouvait conduire des femmes pauvres à "louer leur utérus" et contribuer à une commercialisation du corps des femmes a été entendu.
D'autre part, l’élargissement d’un droit à l’AMP pour des personnes célibataires ou homosexuelles n’ayant pas de problème médical d’infertilité a été écarté.
La recherche sur l'embryon au centre des débats
Finalement, c'est le maintien de l’interdiction assortie de dérogations, selon l’avis du rapporteur Jean Leonetti et du gouvernement, qui l’a emporté.
La recherche demeure proscrite dans son principe, mais il y a tout de même élargissement des dérogations pour des "progrès médicaux majeurs". Une loi prudente donc, qui ne donne satisfaction totale à aucun des camps. Les partisans d'une libéralisation de la recherche ont crié à l'immobilisme, tandis que les défenseurs de la vie font remarquer certaines incohérences : "Le maintien de l’interdiction est un point que l’on peut analyser positivement sur le plan symbolique, estime ainsi l'association Alliance pour des droits de la Vie, qui milite activement contre la destruction et la manipulation d'embryons. Mais le résultat est particulièrement pernicieux à partir du moment où de larges dérogations conduisent à ruiner l’interdit",
Un amendement pour interdire toute recherche sur l’embryon a en effet été rejeté. Et une mention précise que ces recherches peuvent être poursuivies "à condition que soit expressément établie, sous le contrôle de l'agence de la biomédecine, l'impossibilité de parvenir au résultat escompté par le biais d’une recherche ne recourant pas à des cellules souches embryonnaires ou à des embryons".
Refusant de se référer à un principe moral ou philosophique clair (affirmant par exemple la nature humaine de l'embryon qui disposerait alors de droits humains), les législateurs ont en effet choisi une position d'équilibre, se gardant des positions extrêmes et essayant de ménager un peu tous les camps.
150 000 embryons humains congelés en France
D’autre part, contre l’avis du gouvernement qui s’opposait à fait naître un enfant délibérément orphelin, le transfert post-mortem d’un embryon congelé après le décès du père a été adopté.
Pour en savoir plus :
Débat du 9 février 2011 sur France 24 :
La médecine joue-t-elle à Dieu ?
Bioéthique : L'embryon est-il une personne ?
Notre rubrique Bébé