Quand devient-on vraiment adulte ?






Y-a-t-il un âge moyen où l'on atteint ce stade d'autonomie ?

Une image du film Persépolis, l'histoire d'une jeune Iranienne en route vers l'âge adulte.
Une image du film Persépolis, l'histoire d'une jeune Iranienne en route vers l'âge adulte.
On sait quand l'adolescence démarre : c'est peu de temps après la puberté et cela se produit plus tôt chez la fille. Par contre, pour la sortie de l'adolescence, tout dépend du travail intérieur qui se fait chez chaque jeune. Cela peut prendre un temps plus ou moins long. Certaines jeunes filles, pour qui le passage de l'adolescence s'est fait de façon assez naturelle, peuvent vraiment être adultes vers 18-19 ans. Pour les garçons, c'est plus long, déjà parce qu'au départ la puberté démarre deux ans plus tard. Certains peuvent faire leur "crise d'adolescence" à 18 ans, ce qui vaut mieux que de ne pas la faire du tout. Et donc, même pour les garçons les plus précoces, il faut attendre au moins 21-22 ans, en tout cas dans la société française d'aujourd'hui.

En dehors du décalage dû à la puberté, pourquoi les garçons ont-ils besoin de plus de temps que les fille pour rentrer dans l'âge adulte ?

Les garçons trouvent leur identité dans la confrontation avec le monde.
Les garçons trouvent leur identité dans la confrontation avec le monde.
De par son psychisme, la femme est plus tournée vers l'intérieur d'elle-même. Attention, cela ne veut pas dire qu'elle ne peut pas être pilote d'avion ou ingénieur, mais elle a une prédisposition plus grande à revenir en elle et à analyser ce qu'elle vit : c'est une dynamique réflexive (qui se reflète). Le garçon lui, est plus dans une dynamique expressive (tourné vers l'expression extérieure). Il a besoin de se confronter au monde, aux événements extérieurs, aux problèmes à résoudre pour se trouver : les études, la recherche d'emploi, les engagements... C'est en vivant tout cela et même les obstacles, car on ne lui fait pas de cadeau, qu'il forge son identité. Qui suis-je ? Où vais-je ? Cette quête intérieure est quelque chose de très subtil et de très long car il faut faire le tri de toutes les images ou les espérances qu'on a pu lui coller dessus : j'appartiens à une famille d'ingénieurs, mais je désire être charpentier. Ou bien j'appartiens à une famille de commerçants, mais je veux être médecin. Peu à peu, le JE va s'exprimer et s'autoriser à dire ce qu'il est.

Mais ne reste-t-on pas toujours un peu enfant ?

L'adulte a quitté l'égo-centrisme de l'enfant.
L'adulte a quitté l'égo-centrisme de l'enfant.
Bien sûr qu'il y a toujours quelque chose de l'enfant en nous... Mais il faut que cette part soit minime. L'adulte est celui qui a réellement renoncé à la toute-puissance de l'enfant, à la dépendance par rapport aux parents, et aussi à l'égo-centrisme, qui consiste à voir le monde à partir de soi-même. Il est normal que l'enfant soit égo-centrique, c'est lié en partie à son développement neurologique.

Mais une partie du travail de l'adolescence va être de passer de l'égocentrisme à l'oblativité, c'est-à-dire à la capacité de donner en se tournant vers les autres : dans son travail, avec ses amis, on devient capable d'organiser les choses en fonction des autres. C'est cette capacité qui rapproche de plus en plus de l'autre. Enfin, l'adulte est celui qui a renoncé à l'impulsivité de l'enfant qui a tendance à faire passer toutes ses émotions dans ses gestes avec de la brusquerie et de la maladresse. L'adolescent a un travail à faire pour apprendre à maîtriser ses émotions, ses pulsions et pas seulement sexuelles. Certains garçons ont du mal à acquérir cette maîtrise, ils ont tendance à agir avant de penser alors qu'il faut utiliser la parole pour exprimer ses sentiments et émotions.

Un véritable adulte, c'est celui qui dans un dialogue sait écouter l'autre et prendre la parole à son tour. C'est aussi celui qui sait faire la part entre ce qu'il peut exprimer et ce qu'il doit contenir, ce qui exige une vraie maturité;

Quels conseils concrets donnez-vous aux jeunes pour les aider à devenir adultes ?

Le sport peut permettre d'exprimer ses émotions
Le sport peut permettre d'exprimer ses émotions
Pour apprendre à gérer son impulsivité, on peut faire du sport et surtout s'engager dans des activités associatives très variées : cela permet aussi de se détourner de soi pour se tourner vers les autres. Pour acquérir de l'autonomie, il faut bien sûr, ne pas craindre de s'aventurer progressivement en dehors de la sphère familiale, sortir de son cocon pour rencontrer des gens différents et apprendre à accepter la différence. Le mieux, c'est d'y aller petit à petit. Ainsi on n'aura pas besoin d'adopter des attitudes extrêmes (dans l'habillement, les choix de vie) pour se séparer de sa famille. Je ne suis pas identique à mes parents, c'est vrai, mais je ne suis pas non plus l'opposé. Ceux qui s'aventurent seuls dans des cascades bouillonnantes ont de forts risques de boire la tasse. Et ceux qui restent trop longtemps dans la similitude avec leur famille auront du mal à se dégager.

Rester trop longtemps dans la similitude avec sa famille, qu'est-ce que ça veut dire ?

Certains jeunes, plutôt des filles, peuvent être tentés de rester trop longtemps collés à ce qu'ils ont connu dans leur enfance. Leurs parents veulent qu'elles soient bonne élèves, elles sont bonnes élèves. Ils veulent qu'elles fassent de la danse ou de la musique, elles font très bien de la danse ou de la musique. Cela peut masquer une crainte d'aller de l'avant et retarde alors leur prise d'autonomie et la formation de leur identité. Et pourtant, des émotions bouillonnent à l'intérieur sans pouvoir réellement s'exprimer. Il est important de trouver ses lieux pour pouvoir s'exprimer à sa manière, de façon à affirmer sa personnalité et à s'engager vers l'âge adulte.

Est-il plus difficile de devenir adulte aujourd'hui qu'aux générations précédentes ?

Le contact avec la nature aide à accepter le temps.
Le contact avec la nature aide à accepter le temps.
Oui, c'est plus difficile et pour plusieurs raisons. D'abord parce que pour certains, la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans et le passage presque obligé par le bac est un calvaire. Ils sont souvent contraints de rester dans un système qui ne leur convient pas et les met progressivement en situation d'échec. Certains, à 15-16 ans, n'ont aucune façon d'investir positivement l'extraordinaire énergie de l'adolescence : du coup, ils retournent cette énergie contre eux et se mettent dans des situations qui leur font mal ou ils font mal aux autres. De même, le fait que l'on ne puisse pratiquement plus travailler avant 18 ans empêche de nombreux jeunes de devenir adultes en se confrontant à la réalité. On a abaissé la majorité à 18 ans, mais on ne donne pas aux adolescents la "caisse à outils" pour se construire : il ne leur reste plus qu'à assumer les conséquences de leurs actes au yeux de la loi. D'autre part, il y a l'influence de la vie urbaine qui nous éloigne de la nature : on ne voit plus les plantes pousser, on perd le sens du réel, le sens du temps. Celui qui vit à la campagne sait que même s'il a de l'argent, il ne peut pas faire pousser les salades plus vite.

En ville, on pense qu'avec de l'argent, on peut tout avoir, on veut tout, tout de suite. De ce fait, beaucoup se retrouvent à 18-20 ans sans aucune qualification, ou savoir-faire. Ils se sentent dévalorisés et leur insertion dans le monde adulte n'est pas facilitée. D'autres poursuivent des études très longtemps sans aucun ancrage dans le réel et ont aussi des difficultés à s'insérer sur le marché du travail en tant qu'adulte. Mais heureusement, c'est en train de changer avec le développement de l'apprentissage, des stages et des études en alternance. Les choses peuvent bouger très vite et il ne faut pas oublier que chacun garde en lui une capacité inouïe à se dépasser. Le jeune adulte a aussi une générosité qui peut l'aider à accueillir et à se lancer dans toutes sortes de projets. A 20 ans, tous les espoirs sont permis... A chacun de trouver le sien.

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Dimanche 9 Juin 2013

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