En se donnant pour un but commun, le leader peut générer une cascade de dons © Fauxels / Pexels
Vous voudriez pouvoir grimper dans la hiérarchie de votre entreprise, ou prendre la responsabilité de votre association ou votre club. Mais avez-vous une "âme de leader" ? Oui ? non ? Pas vraiment ? Les autres ne sont pas attirés par votre vision charismatique ?
Des dizaines d'ouvrages expliquent qu'il faut s'imposer par ses talents, son mindset, son audace. Mais la bonne nouvelle est que l'on peut aussi entraîner les autres... en restant soi-même. C'est la voie innovante ouverte par Benjamin Pavageau qui dit "aller à l'encontre du courant majoritaire de la pensée managériale".
Depuis des années, cet enseignant-chercheur étudie la façon dont des dirigeants d'entreprise ont construit leur identité de leader. Et sa conclusion est étonnante.
Des dizaines d'ouvrages expliquent qu'il faut s'imposer par ses talents, son mindset, son audace. Mais la bonne nouvelle est que l'on peut aussi entraîner les autres... en restant soi-même. C'est la voie innovante ouverte par Benjamin Pavageau qui dit "aller à l'encontre du courant majoritaire de la pensée managériale".
Depuis des années, cet enseignant-chercheur étudie la façon dont des dirigeants d'entreprise ont construit leur identité de leader. Et sa conclusion est étonnante.
Le leader est d'abord celui qui donne et qui sait donner
Dans son livre paru en 2019, Développer vraiment son leadership. Engagement, don, reconnaissance : les clés pour faire la différence, il expose cette idée forte et simple : loin des images de conquérant visionnaire, de cerveau génial ou de loup aux dents longues, le leader est d’abord une personne qui donne, en tout cas qui sait donner.
"Il donne beaucoup de sa personne, de son temps, de ses compétences, et, finalement, il se donne lui-même", affirme Pierre-Yves Gomez dans la préface. Ainsi reste-t-il fidèle à ce qu'il est. Et par là même, "il produit du collectif en donnant envie de donner".
Mais attention : s’il ne compte ni son temps, ni ses efforts dans la mission qu’il mène, il ne sombre pas pour autant dans le volontarisme excessif ou le burn-out. Il donne de son temps, fait profiter les autres ou son organisation de ses talents, ne ménage pas ses efforts. Cependant, il n’oublie pas non plus l’équilibre vital qui lui est nécessaire pour garder la santé mentale. Il sait qu'il est simplement humain.
Vidéo : Benjamin Pavageau présente son livre
"Il donne beaucoup de sa personne, de son temps, de ses compétences, et, finalement, il se donne lui-même", affirme Pierre-Yves Gomez dans la préface. Ainsi reste-t-il fidèle à ce qu'il est. Et par là même, "il produit du collectif en donnant envie de donner".
Mais attention : s’il ne compte ni son temps, ni ses efforts dans la mission qu’il mène, il ne sombre pas pour autant dans le volontarisme excessif ou le burn-out. Il donne de son temps, fait profiter les autres ou son organisation de ses talents, ne ménage pas ses efforts. Cependant, il n’oublie pas non plus l’équilibre vital qui lui est nécessaire pour garder la santé mentale. Il sait qu'il est simplement humain.
Vidéo : Benjamin Pavageau présente son livre
D'abord apprendre à recevoir avant de donner
"Qu’est-ce qui distingue un leader authentique si ce n’est qu’il a reçu, avant même de donner ? Peut-il se glorifier de ce qu’il donne sans reconnaître ce qu’il a d’abord reçu ?", s’interroge Benjamin Pavageau.
Au contraire, c'est en prenant conscience de tous les dons reçus que l'on peut puiser dans ce trésor pour donner à son tour. Et apprendre à devenir un leader.
Au contraire, c'est en prenant conscience de tous les dons reçus que l'on peut puiser dans ce trésor pour donner à son tour. Et apprendre à devenir un leader.
L'exemple d'un ex-détenu devenu directeur
Corentin a été recruté comme directeur d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)... après son passage en prison .
Incarcéré pour "une grosse erreur" professionnelle, il raconte que c'est l'attitude de certains éducateurs à son égard lorsqu'il était détenu qui a permis sa résilience : "Ils m’ont considéré comme un frère : "leur regard m’a sauvé ! (…) Ces héros m’ont aidé à lâcher mon ressort. (…) Sinon, je me serais suicidé (….)"
Non seulement cette expérience l'a aidé à tenir, mais elle lui a donné envie de s'engager à son tour : "Je me sens redevable aujourd’hui : ils se sont mouillés, ils m’ont appris que pour sauver la vie de quelqu’un, il faut risquer un peu la sienne. Et ça m’a permis de fonder mon engagement (en tant que directeur d’un CHRS, NDLR), surtout à travers les personnes rencontrées : les toxicos, les personnes handicapées ou les criminels m’ont aidé à devenir ce que je suis, c’est-à-dire un dirigeant du social qui a un immense respect pour la dignité des personnes."
Corentin a été recruté comme directeur d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)... après son passage en prison .
Incarcéré pour "une grosse erreur" professionnelle, il raconte que c'est l'attitude de certains éducateurs à son égard lorsqu'il était détenu qui a permis sa résilience : "Ils m’ont considéré comme un frère : "leur regard m’a sauvé ! (…) Ces héros m’ont aidé à lâcher mon ressort. (…) Sinon, je me serais suicidé (….)"
Non seulement cette expérience l'a aidé à tenir, mais elle lui a donné envie de s'engager à son tour : "Je me sens redevable aujourd’hui : ils se sont mouillés, ils m’ont appris que pour sauver la vie de quelqu’un, il faut risquer un peu la sienne. Et ça m’a permis de fonder mon engagement (en tant que directeur d’un CHRS, NDLR), surtout à travers les personnes rencontrées : les toxicos, les personnes handicapées ou les criminels m’ont aidé à devenir ce que je suis, c’est-à-dire un dirigeant du social qui a un immense respect pour la dignité des personnes."
Découvrir son héritage et relire son parcours
L'un des premiers conseils donnés par Benjamin Pavageau est donc de faire l'inventaire des dons reçus en héritage. Notre famille peut nous avoir transmis des valeurs ou des qualités que l'on pourra mettre au service d'un groupe ou d'une équipe. Des personnes qui ont joué un rôle dans notre parcours ou des figures inspirantes peuvent aussi nous avoir légué un capital moral ou spirituel.
Mais "l’héritage" est aussi celui de la confiance reçue par l’organisation dans laquelle on évolue et où l’on exerce ses talents (entreprise, association, etc.). Je ne peux devenir leader que si mes collègues ou mes partenaires (mes supérieurs ou mes subordonnés) m’investissent de ce rôle.
Il vaut donc la peine de relire sa vie et son parcours pour y repérer les moments-clés, les tournants, les missions qui nous ont été confiées et les moments où nous avons réussi à convaincre et entraîner les autres. Ainsi trouve-t-on peu à peu son fil rouge, son identité de leader.
Mais "l’héritage" est aussi celui de la confiance reçue par l’organisation dans laquelle on évolue et où l’on exerce ses talents (entreprise, association, etc.). Je ne peux devenir leader que si mes collègues ou mes partenaires (mes supérieurs ou mes subordonnés) m’investissent de ce rôle.
Il vaut donc la peine de relire sa vie et son parcours pour y repérer les moments-clés, les tournants, les missions qui nous ont été confiées et les moments où nous avons réussi à convaincre et entraîner les autres. Ainsi trouve-t-on peu à peu son fil rouge, son identité de leader.
On ne nait pas leader, on le devient
Steve Jobs, leader visionnaire, dut lui aussi arrondir les angles de son ego pour conduire Apple.
Mais on ne naît pas leader d’un seul coup, "comme ça" ou d’un claquement de doigt. Il y faut une croissance, un développement humain.
Benjamin Pavageau cite le jésuite Pierre Teilhard de Chardin pour qui l'Homme s'accomplit dans un triple mouvement : pour être pleinement soi et vivant, il doit : 1. Se centrer sur soi ; 2. Se décentrer sur l'autre ; 3. Se surcentrer sur un plus grand que soi."
Autrement dit, il faut s'unifier soi-même, mais aussi avoir une saine relations aux autres, et ne pas se prendre pour Dieu ! Faute de quoi, votre équipe aura vite fait de vous lâcher, aussi génial soyez-vous...
Benjamin Pavageau donne l'exemple du célèbre Steve Jobs, le fondateur d'Apple, qui se fit pourtant virer de sa propre société en 1985 ! Ainsi dégrisé, il dut oublier ses certitudes et son narcissisme maladif, puis créer deux autres sociétés avant de reprendre les rênes d'Apple dix ans plus tard...
Le leadership ne s’imagine donc pas dans un coin de sa tête, mais dans une croissance intérieure et relationnelle à laquelle s’ajoute une subordination à quelque chose de plus grand que soi.
Benjamin Pavageau cite le jésuite Pierre Teilhard de Chardin pour qui l'Homme s'accomplit dans un triple mouvement : pour être pleinement soi et vivant, il doit : 1. Se centrer sur soi ; 2. Se décentrer sur l'autre ; 3. Se surcentrer sur un plus grand que soi."
Autrement dit, il faut s'unifier soi-même, mais aussi avoir une saine relations aux autres, et ne pas se prendre pour Dieu ! Faute de quoi, votre équipe aura vite fait de vous lâcher, aussi génial soyez-vous...
Benjamin Pavageau donne l'exemple du célèbre Steve Jobs, le fondateur d'Apple, qui se fit pourtant virer de sa propre société en 1985 ! Ainsi dégrisé, il dut oublier ses certitudes et son narcissisme maladif, puis créer deux autres sociétés avant de reprendre les rênes d'Apple dix ans plus tard...
Le leadership ne s’imagine donc pas dans un coin de sa tête, mais dans une croissance intérieure et relationnelle à laquelle s’ajoute une subordination à quelque chose de plus grand que soi.
Découvrir son vrai soi pour trouver son identité de leader
Devenir leader et exercer une forme de leadership nécessite aussi de "découvrir son vrai soi", notamment en relation avec les autres : c’est au contact de ceux-ci et dans l’expérience des travaux, des initiatives, des actions, qu’on apprend mieux à se connaître.
"Pour développer une structure psychologique saine, relève aussi Benjamin Pavageau, il faut découvrir son ombre, qui cache l’accès à son vrai soi." Autrement, le risque est grand de s’idéaliser et donc, un jour, de tomber de haut. "L’accueil [de sa part d’ombre] permet au soi d’harmoniser les éléments de sa personnalité comme un tout cohérent", précise le docteur en sciences de gestion. La cohérence n’est-elle pas déjà une manifestation du leadership, en tout cas l’un de ses ferments ?
Pour devenir un leader, il faut donc avoir l’humilité de connaître et de reconnaître sa part d’ombre, ses limites, ses défauts et ses faiblesses. Nul n’en est exempt. Les connaître, pour éviter de tomber dans leurs pièges, constitue déjà une des forces du leader qui dès lors, ajuste ses paroles et son action à ce qui est possible pour lui.
"Pour développer une structure psychologique saine, relève aussi Benjamin Pavageau, il faut découvrir son ombre, qui cache l’accès à son vrai soi." Autrement, le risque est grand de s’idéaliser et donc, un jour, de tomber de haut. "L’accueil [de sa part d’ombre] permet au soi d’harmoniser les éléments de sa personnalité comme un tout cohérent", précise le docteur en sciences de gestion. La cohérence n’est-elle pas déjà une manifestation du leadership, en tout cas l’un de ses ferments ?
Pour devenir un leader, il faut donc avoir l’humilité de connaître et de reconnaître sa part d’ombre, ses limites, ses défauts et ses faiblesses. Nul n’en est exempt. Les connaître, pour éviter de tomber dans leurs pièges, constitue déjà une des forces du leader qui dès lors, ajuste ses paroles et son action à ce qui est possible pour lui.
Apprendre à se gouverner soi-même
S’il se connait dans ses qualités et dans ses défauts, le leader va dès lors devenir authentiquement leader. Pas un leader de façade. A condition qu’il apprenne à combattre ses défauts et à gouverner ses passions c’est-à-dire tout ce qui le tire sans cesse vers le haut ou le bas.
Pour cela, il devra apprendre à renoncer aux passions mauvaises (par exemple devenir de moins en moins colérique s’il a tendance à s’emporter sans arrêt, à être plus sobre s’il parle à tout instant ou s’il dépense de l’argent à la moindre occasion, etc.) et à cultiver ses talents et ses compétences pour une bonne cause utile aux autres ou à la société. Car comme le disait Confucius, cité par Benjamin Pavageau, "celui qui ne sait pas se gouverner lui-même, comment pourra-t-il gouverner les autres ?"
Devenir un leader passe ainsi par un chemin de « conversion », au sens du mot latin « conversio », c’est-à-dire « retournement, changement de direction ». On ne devient leader qu’en se détournant de ce qui avilit notre être et nous fait d’avantage ressembler à l’animal ou au robot qu’à une personne pleinement humaine.
C’est ce chemin qu’a emprunté Nelson Mandela, comme d’innombrables anonymes, rappelle Benjamin Pavageau, "en utilisant 27 années de prison pour se préparer intérieurement à sa vocation de leader, en écoutant sa lumière intérieure, au lieu de se noyer dans le désespoir".
Vidéo : Les 7 clés pour devenir un leader qui fait la différence
Pour cela, il devra apprendre à renoncer aux passions mauvaises (par exemple devenir de moins en moins colérique s’il a tendance à s’emporter sans arrêt, à être plus sobre s’il parle à tout instant ou s’il dépense de l’argent à la moindre occasion, etc.) et à cultiver ses talents et ses compétences pour une bonne cause utile aux autres ou à la société. Car comme le disait Confucius, cité par Benjamin Pavageau, "celui qui ne sait pas se gouverner lui-même, comment pourra-t-il gouverner les autres ?"
On ne devient leader qu’en se détournant de ce qui avilit notre être
Devenir un leader passe ainsi par un chemin de « conversion », au sens du mot latin « conversio », c’est-à-dire « retournement, changement de direction ». On ne devient leader qu’en se détournant de ce qui avilit notre être et nous fait d’avantage ressembler à l’animal ou au robot qu’à une personne pleinement humaine.
C’est ce chemin qu’a emprunté Nelson Mandela, comme d’innombrables anonymes, rappelle Benjamin Pavageau, "en utilisant 27 années de prison pour se préparer intérieurement à sa vocation de leader, en écoutant sa lumière intérieure, au lieu de se noyer dans le désespoir".
Vidéo : Les 7 clés pour devenir un leader qui fait la différence
Avoir une finalité éthique
Enfin, si le leader se donne dans son métier, dans ses fonctions et donne aux autres envie de le suivre pour se donner à leur tour, il faut aussi que son don ait du sens pour être suffisamment fédérateur et convainque les autres du bien fondé de son action.
D’où l’importance du but poursuivi par le leader : s’il poursuit une cause juste (éthique, donc), et qu’en plus elle a une utilité sociale et sert le bien commun, celui qui souhaite entraîner les autres à sa suite le fera d’autant plus légitimement.
C’est la raison pour laquelle le poète américain Frederick Buechner disait que la mission (notamment celle de leader) est "le lieu où notre joie profonde et la faim profonde du monde se rencontrent".
D’où l’importance du but poursuivi par le leader : s’il poursuit une cause juste (éthique, donc), et qu’en plus elle a une utilité sociale et sert le bien commun, celui qui souhaite entraîner les autres à sa suite le fera d’autant plus légitimement.
C’est la raison pour laquelle le poète américain Frederick Buechner disait que la mission (notamment celle de leader) est "le lieu où notre joie profonde et la faim profonde du monde se rencontrent".
Recevoir sa mission plutôt que se la donner
Docteur en sciences de gestion, Benjamin Pavageau est spécialiste en développement du leadership, de l’engagement et des talents. Il intervient auprès de managers ou d’équipes de travail en entreprise (DRH, membres de Codir, etc.), et également auprès d’étudiants en Masters et en MBA.
Le leadership nait ainsi d’une mission que l'on reçoit plutôt que d'une mission que l'on se donne. Comme toute vocation, explique Benjamin Pavageau, "elle n'est pas d’abord une projection vers un choix pour telle ou telle voie ou pour faire ceci ou cela : cela impliquerait [sinon] que le soi soit « pro-jeté » sous la contrainte d’un « pro-jet » à réaliser, ce qui serait un acte de violence envers soi-même."
"L'enjeu pour se développer, conclut l’auteur, consiste donc à se laisser saisir par cette tâche, à savoir l’écouter, et à se détacher en quelque sorte de ce qui empêche d’y répondre."
Chacun y est appelé. Mais le chemin restera toujours unique et incertain, tant "il existe un mystère du leadership" comme le souligne Pierre-Yves Gomez dans la préface du livre. Il y a dedans "quelque chose qui relève du sacré" et qu’on ne peut donc comprendre entièrement d’un point de vue purement humain.
Comme tout ce qui a trait au sacré et au mystère, le leadership reste donc un don à appréhender avec humilité.
"L'enjeu pour se développer, conclut l’auteur, consiste donc à se laisser saisir par cette tâche, à savoir l’écouter, et à se détacher en quelque sorte de ce qui empêche d’y répondre."
Chacun y est appelé. Mais le chemin restera toujours unique et incertain, tant "il existe un mystère du leadership" comme le souligne Pierre-Yves Gomez dans la préface du livre. Il y a dedans "quelque chose qui relève du sacré" et qu’on ne peut donc comprendre entièrement d’un point de vue purement humain.
Comme tout ce qui a trait au sacré et au mystère, le leadership reste donc un don à appréhender avec humilité.