Nous sommes parfois bien compliqués, peut-on comprendre comment nous fonctionnons ?
Marie-Paule Mordefroid : "Tout le monde sait très bien que l’être humain a une nature "complexe". Il n’est ni pur esprit, ni pure matière : il n’est pas "simple". Il y a en nous différentes dimensions, qu’il faut repérer et apprendre à articuler. On peut ainsi vivre pleinement avec toutes ses dimensions et non pas uniquement comme un être "tronqué" qui ne fonctionne que sur une partie de lui-même…
C’est comme si on ne faisait fonctionner une voiture que sur un seul piston : la voiture ne dispose pas de tout l’élan, de toute l’énergie dont elle a besoin pour avancer. De même, quand il n’utilise pas toutes les facultés que lui donne sa nature, l’être humain peut fonctionner de manière infra-humaine, sous-humaine en quelque sorte : par exemple, il devient incapable de gérer ses émotions s’il se laisse mener uniquement par son affectif ou un ressenti instinctif faussé."
C’est comme si on ne faisait fonctionner une voiture que sur un seul piston : la voiture ne dispose pas de tout l’élan, de toute l’énergie dont elle a besoin pour avancer. De même, quand il n’utilise pas toutes les facultés que lui donne sa nature, l’être humain peut fonctionner de manière infra-humaine, sous-humaine en quelque sorte : par exemple, il devient incapable de gérer ses émotions s’il se laisse mener uniquement par son affectif ou un ressenti instinctif faussé."
Quelles sont ces différentes dimensions qu’il nous faut unifier ?
"L’être humain est composé d’un corps qu’on voit d’abord quand on se met en relation. C’est son côté visible, matériel, concret.
On sait aussi, d’expérience, que chacun de nous possède une "intériorité", c'est-à-dire des facultés qui sont à l’intérieur de nous-mêmes, donc invisibles mais qui ont besoin du corps pour se rendre visibles.
Si je ressens des "états" à l’intérieur de moi, c’est bien mon corps qui va les exprimer à l’extérieur : ma parole, mes gestes vont dire mon bonheur ou ma peine, ma joie, ma colère... On découvre donc que l’être humain est une unité avec un intérieur et un extérieur et qu’il y a même différents degrés de profondeur dans cet intérieur."
On sait aussi, d’expérience, que chacun de nous possède une "intériorité", c'est-à-dire des facultés qui sont à l’intérieur de nous-mêmes, donc invisibles mais qui ont besoin du corps pour se rendre visibles.
Si je ressens des "états" à l’intérieur de moi, c’est bien mon corps qui va les exprimer à l’extérieur : ma parole, mes gestes vont dire mon bonheur ou ma peine, ma joie, ma colère... On découvre donc que l’être humain est une unité avec un intérieur et un extérieur et qu’il y a même différents degrés de profondeur dans cet intérieur."
Comment s'articulent l’intérieur et l’extérieur ?
"On peut symboliser l’unité de l’homme par un cercle. Sa circonférence me sépare schématiquement du monde extérieur, me définit dans mes limites spatiales et me rassemble en une seule "unité".
A l’intérieur, il y a d’abord la partie plus visible de notre personne, dimension matérielle symbolisée par un autre cercle : c’est notre dimension corporelle. Là vont prendre place deux zones. Une première zone est faite de toutes les pensées qui nous agitent, de tous ces états intérieurs qui nous adviennent, avec l’impression de les subir et de ne pas trop avoir la possibilité de les contrôler, c’est notre affectivité ou encore notre vie psychique ou psychologique.
A l’intérieur, il y a d’abord la partie plus visible de notre personne, dimension matérielle symbolisée par un autre cercle : c’est notre dimension corporelle. Là vont prendre place deux zones. Une première zone est faite de toutes les pensées qui nous agitent, de tous ces états intérieurs qui nous adviennent, avec l’impression de les subir et de ne pas trop avoir la possibilité de les contrôler, c’est notre affectivité ou encore notre vie psychique ou psychologique.
Une autre zone, à un niveau encore plus profond, symbolisée par un troisième cercle (voir schéma), forme une sorte de noyau intérieur, c’est l’esprit humain. Avec lui, on est capable de connaître, de faire le bien, d’aimer ce qui est bien et bon pour nous, librement. C’est la dimension la plus profonde, d’une autre nature, mais comprenant deux facultés propres à l’esprit humain : notre intelligence ou capacité à connaître et notre volonté libre, capacité à agir et aimer."
Alors comment relier toutes ces zones de notre être ?
"Nous constituons, de fait, une unité : on n’est pas découpé en rondelles de saucisson, ces domaines ne sont pas étanches entre eux.
Que se passe-t-il en nous ? Avec ma capacité de voir, regarder, toucher, imaginer, je perçois l’extérieur. Cela suscite en moi des états émotionnels.
Nos émotions, sont une sorte d’énergie qui provoque souvent une tension devant être évacuée : cela se répercute par exemple sur notre corps (on a mal à la tête), ou sur la zone intellectuelle (on n’arrive plus à se concentrer)... Une forte émotion peut aussi conduire à des gestes violents, à une boulimie alimentaire, des paroles de colère.
Que se passe-t-il en nous ? Avec ma capacité de voir, regarder, toucher, imaginer, je perçois l’extérieur. Cela suscite en moi des états émotionnels.
Nos émotions, sont une sorte d’énergie qui provoque souvent une tension devant être évacuée : cela se répercute par exemple sur notre corps (on a mal à la tête), ou sur la zone intellectuelle (on n’arrive plus à se concentrer)... Une forte émotion peut aussi conduire à des gestes violents, à une boulimie alimentaire, des paroles de colère.
Ces manifestations sont des réactions qui me "défoulent". Quand je ne fais que réagir de cette façon, je m’aperçois vite que ma tension intérieure baisse sur le moment, mais j’expérimente aussi que tout ce qui me fait envie, tout ce qui me soulage (me gaver de nourriture ou d’alcool, de musique hard à fond, changer de partenaire sans arrêt…) ne crée pas chez moi l’état paisible d’un bonheur effectif. J’ai, tout au fond de moi, envie d’autre chose, je me sens appelé à autre chose.
Pourquoi ? Parce que cette satisfaction n’est vécue que par une partie de mon être humain : la part la plus intime de moi n’est pas totalement satisfaite ! L’homme qui ne fonctionne que de manière réactive, ne fonctionne pas de manière humaine car sa part la plus intérieure, la plus spécifiquement humaine n’est pas utilisée. Le vrai bonheur intègre toutes les couches de mon être. Il est vécu par la totalité de ma personne. C’est un état suffisamment complet et profond pour durer."
Pourquoi ? Parce que cette satisfaction n’est vécue que par une partie de mon être humain : la part la plus intime de moi n’est pas totalement satisfaite ! L’homme qui ne fonctionne que de manière réactive, ne fonctionne pas de manière humaine car sa part la plus intérieure, la plus spécifiquement humaine n’est pas utilisée. Le vrai bonheur intègre toutes les couches de mon être. Il est vécu par la totalité de ma personne. C’est un état suffisamment complet et profond pour durer."
Comment faire pour vivre concrètement avec toutes les parties de mon être ?
"Il faut d’abord prendre soin de chacune de ses dimensions. Pour le corps, c’est évident : il est important d’en connaître les besoins pour bien l’utiliser et le garder en bonne forme, sinon notre humeur s’en ressent, notre zone psychologique va moins bien, notre capacité intellectuelle s’émousse. Par exemple, celui qui ne fait que travailler pendant des mois au détriment de son sommeil, d’un minimum d’exercice physique ou de relations, celui-là ne se sent pas épanoui et peut même finir par craquer !
Il faut aussi prendre soin de son intelligence, apprendre à raisonner, à réfléchir, se documenter dans des domaines qui nous intéressent... pour être capable, le moment venu, de prendre les bonnes décisions (études, formation, métier, engagement…) De même, il est bon de savoir canaliser son affectif, de ne pas se mettre dans des situations où notre affectivité risque de nous mettre entièrement sous sa coupe…
Par exemple, la jeune fille qui tombe amoureuse et se laisse emporter par son besoin d’être aimée, fait rarement les bons choix car elle ne réfléchit pas, ne prend pas assez de recul, ne descend pas en elle-même pour s’interroger sur ses vrais désirs profonds et elle risque de se retrouver à devoir assumer ensuite des situations très difficiles."
Il faut aussi prendre soin de son intelligence, apprendre à raisonner, à réfléchir, se documenter dans des domaines qui nous intéressent... pour être capable, le moment venu, de prendre les bonnes décisions (études, formation, métier, engagement…) De même, il est bon de savoir canaliser son affectif, de ne pas se mettre dans des situations où notre affectivité risque de nous mettre entièrement sous sa coupe…
Par exemple, la jeune fille qui tombe amoureuse et se laisse emporter par son besoin d’être aimée, fait rarement les bons choix car elle ne réfléchit pas, ne prend pas assez de recul, ne descend pas en elle-même pour s’interroger sur ses vrais désirs profonds et elle risque de se retrouver à devoir assumer ensuite des situations très difficiles."
L'important est donc de ne pas fonctionner sur une seule dimension ?
"C’est cela. Et ensuite, quand toutes les dimensions de mon être ont bien été prises en compte, pour les grandes orientations de notre vie, il est important de savoir aller encore plus profond en soi. Car c’est à l’intérieur de soi, au plus profond, que nous allons pouvoir élaborer les réponses aux grandes questions qui peuvent orienter notre vie.
Quand on prend le temps d’aller vraiment dans cet intérieur profond qui nous appartient en propre, on trouve là des capacités à faire des choix fondamentaux. Ce peut être le choix d’études, de métier mais aussi des choix affectifs : qu’est-ce que je fais avec telle fille ou tel garçon dont je me sens amoureux ? Jusqu’où vais-je aller, qu’est-ce que je vais engager vraiment de moi dans cette relation ?"
Quand on prend le temps d’aller vraiment dans cet intérieur profond qui nous appartient en propre, on trouve là des capacités à faire des choix fondamentaux. Ce peut être le choix d’études, de métier mais aussi des choix affectifs : qu’est-ce que je fais avec telle fille ou tel garçon dont je me sens amoureux ? Jusqu’où vais-je aller, qu’est-ce que je vais engager vraiment de moi dans cette relation ?"
Mais comment descendre dans l’intérieur profond de mon être ?
"Pour ne pas fonctionner sur une seule dimension et si je veux prendre une décision importante, je dois prendre du recul, réfléchir en m’en donnant les moyens ; par exemple aller marcher seul dans la nature, me mettre devant un beau paysage en silence, écouter calmement un morceau de musique pour m’aider à me concentrer sur ce qui est le plus profond en moi…
Je peux ressentir alors, tout au fond de moi, ce qui peut me rendre heureux, me combler, me permettre de répondre à cet appel profond en moi à vivre quelque chose de beau et de grand. Je ne dois pas hésiter non plus à me confier à des personnes de confiance et d’expérience qui m’aideront à voir plus clair, à analyser objectivement mes attentes les plus profondes et ce qui est proposé…"
Je peux ressentir alors, tout au fond de moi, ce qui peut me rendre heureux, me combler, me permettre de répondre à cet appel profond en moi à vivre quelque chose de beau et de grand. Je ne dois pas hésiter non plus à me confier à des personnes de confiance et d’expérience qui m’aideront à voir plus clair, à analyser objectivement mes attentes les plus profondes et ce qui est proposé…"
Pour vous, c’est donc ce recul, cette plongée en soi qui permet de trouver l’unité de sa vie ?
"Oui. Pour prendre de grandes décisions, il est toujours indispensable, de faire agir ma capacité à connaître (intelligence) mais ensuite il faut aussi exercer celle d’agir et d’aimer (volonté propre), capacités typiquement humaines. Ma faculté d’intelligence me donne le pouvoir de raisonner, de juger ou d’estimer une situation, une décision à prendre, un acte à poser, et de me dire : est-ce bien pour moi ? Je peux ainsi arriver à une intuition profonde.
Lorsque j’ai compris quel est le bon choix pour moi, je peux mettre en œuvre ma décision en exerçant ma volonté propre. Elle est alors vraiment libre, car éclairée par mes réflexions précédentes : elle m’entraînera dans la direction qui donne son unité à ma vie et me permet de me réaliser pleinement."
Lire aussi :
Comment gérer ses émotions ?
Savoir faire des choix ?
Lorsque j’ai compris quel est le bon choix pour moi, je peux mettre en œuvre ma décision en exerçant ma volonté propre. Elle est alors vraiment libre, car éclairée par mes réflexions précédentes : elle m’entraînera dans la direction qui donne son unité à ma vie et me permet de me réaliser pleinement."
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