Un groupe d'étudiants à Grenoble Ecole de Management (GEM) / Photo : Pierre Jayet / Prisme.
Les étudiants sont de plus en plus appelés à travailler en groupe, pour mener à bien un projet ou produire un document. Pourquoi cet engouement ?
Bénédicte Auberger : "Ce n'est pas une mode mais une réelle avancée pédagogique. De nombreuses études ont montré l'intérêt de solliciter le groupe dans l'enseignement.
Pour l'étudiant, c'est efficace et profitable sur bien des plans : cela permet d'accroître sa motivation, de développer son esprit critique, cela favorise un approfondissement de son apprentissage et développe chez lui de nombreuses compétences. Par exemple, c'est une façon d'apprendre l'écoute, l'empathie, la flexibilité et de découvrir la façon dont il fonctionne lui-même dans une équipe : c'est très intéressant à l'âge où l'on cherche sa voie.
Cela peut aussi transformer la relation que l’étudiant a avec son enseignant qui, en remplissant son rôle de tuteur "bienveillant" auprès du groupe, met en place de bonnes relations avec ses élèves.
Pour l'étudiant, c'est efficace et profitable sur bien des plans : cela permet d'accroître sa motivation, de développer son esprit critique, cela favorise un approfondissement de son apprentissage et développe chez lui de nombreuses compétences. Par exemple, c'est une façon d'apprendre l'écoute, l'empathie, la flexibilité et de découvrir la façon dont il fonctionne lui-même dans une équipe : c'est très intéressant à l'âge où l'on cherche sa voie.
Cela peut aussi transformer la relation que l’étudiant a avec son enseignant qui, en remplissant son rôle de tuteur "bienveillant" auprès du groupe, met en place de bonnes relations avec ses élèves.
Bénédicte Auberger aide enseignants et étudiants à explorer et mettre en place toutes les méthodes qui rendent l'apprentissage participatif, efficace et motivant.
Diplômée de l'EM Lyon, elle a pratiqué le contrôle de gestion en entreprise puis enseigné dans plusieurs grandes écoles avant de se spécialiser dans la mise en oeuvre de pédagogies innovantes.
Elle anime des ateliers de pédagogie universitaire à travers "Chemins d'apprentissage ".
Diplômée de l'EM Lyon, elle a pratiqué le contrôle de gestion en entreprise puis enseigné dans plusieurs grandes écoles avant de se spécialiser dans la mise en oeuvre de pédagogies innovantes.
Elle anime des ateliers de pédagogie universitaire à travers "Chemins d'apprentissage ".
Mais il y a des conditions à respecter pour que ce travail porte ses fruits ?
B. A. : "Oui, il y a deux grandes conditions d'efficacité* : d'abord, il faut définir un objectif collectif, et bien le présenter au groupe pour que tout le monde y adhère. L'objectif doit bien être collectif : ce n'est pas quelque chose qu'un étudiant pourrait réaliser seul...
Et ensuite pour qu'il y ait groupe, il faut organiser des interactions entre les membres, des temps de mise en commun, des points d'étape. Il faut qu'il y en ait suffisamment pour qu'une dynamique se crée, mais pas trop non plus pour que ce ne soit pas chronophage ; il y a un équilibre à trouver : s'il y a trop peu d'interactions, c'est l'apathie, mais s'il y en a trop, le groupe peut exploser..."
(* : D'après le chercheur canadien Yves Saint-Arnaud, 2008)
Et ensuite pour qu'il y ait groupe, il faut organiser des interactions entre les membres, des temps de mise en commun, des points d'étape. Il faut qu'il y en ait suffisamment pour qu'une dynamique se crée, mais pas trop non plus pour que ce ne soit pas chronophage ; il y a un équilibre à trouver : s'il y a trop peu d'interactions, c'est l'apathie, mais s'il y en a trop, le groupe peut exploser..."
(* : D'après le chercheur canadien Yves Saint-Arnaud, 2008)
Vous avez accompagné des groupes d'étudiants dans plusieurs grandes écoles, quelles difficultés rencontraient-ils ?
B. A. : "Parfois, l'effectif du groupe était trop élevé, il comprenait une dizaine d'étudiants et certains quittaient le groupe. Cela dépend bien sûr de la nature du travail mais en règle générale, mieux vaut ne pas être plus de 5-6. Si l'on est plus nombreux, la gestion du groupe s'alourdit : c'est compliqué de se réunir, de trouver des locaux, des créneaux horaires...
Dans d'autres cas, cela ne fonctionne pas car l'objectif est mal défini, les étudiants ne comprennent pas ce qui est attendu. Il faut alors clarifier. Ou bien le groupe manque d'interactions, il ne se réunit pas assez d'où un manque d'énergie."
Dans d'autres cas, cela ne fonctionne pas car l'objectif est mal défini, les étudiants ne comprennent pas ce qui est attendu. Il faut alors clarifier. Ou bien le groupe manque d'interactions, il ne se réunit pas assez d'où un manque d'énergie."
Que faire pour partir sur de bons rails ?
B. A. : "Il ne faut pas avoir peur de consacrer du temps au processus de construction du groupe. Par exemple au début on peut passer toute une séance à définir ensemble les règles de fonctionnement : présenter l'objectif collectif du travail, donner le calendrier des réunions, instaurer des principes pour que chacun puisse s'exprimer sans se sentir jugé...
Il est aussi conseillé de confier à chacun un rôle spécifique. Il peut y avoir par exemple un rapporteur qui sera chargé de communiquer avec l'enseignant, un trésorier s'il y a un budget à tenir et surtout, il ne faut pas hésiter à nommer un animateur pour les réunions.
L'animateur n'est pas là pour "commander" le groupe, il doit veiller au respect des règles de fonctionnement : gérer les prises de parole, relancer le débat, faire des synthèses, tenir le timing... S'il n'y a pas d'animateur, quelques-uns risquent de tout prendre en main, ou bien le groupe peut partir dans tous les sens ce qui va décourager tout le monde."
Il est aussi conseillé de confier à chacun un rôle spécifique. Il peut y avoir par exemple un rapporteur qui sera chargé de communiquer avec l'enseignant, un trésorier s'il y a un budget à tenir et surtout, il ne faut pas hésiter à nommer un animateur pour les réunions.
L'animateur n'est pas là pour "commander" le groupe, il doit veiller au respect des règles de fonctionnement : gérer les prises de parole, relancer le débat, faire des synthèses, tenir le timing... S'il n'y a pas d'animateur, quelques-uns risquent de tout prendre en main, ou bien le groupe peut partir dans tous les sens ce qui va décourager tout le monde."
Pour constituer le groupe, faut-il choisir des gens avec qui l'on s'entend bien ?
B. A. : "On peut choisir des amis en qui l'on a confiance, bien sûr, mais il ne s'agit pas de rester entre soi. En fait il n'y a pas de règle : ce n'est pas parce qu'on s'entend bien qu'on va forcément bien travailler ensemble.
Parfois les étudiants n'ont pas le choix, c'est l'enseignant qui constitue le groupe pour favoriser la mixité : entre garçons et filles ou bien entre Français et étrangers ou entre étudiants de formation différente... Cela peut être l'occasion d'apprendre à se connaître, et si le groupe est bien animé, cela peut être très stimulant.
Parfois aussi, des étudiants arrivent déjà avec une idée négative du travail de groupe à cause de mauvaises expériences antérieures, il faut les encourager et leur donner des exemples de réussites par exemple.
Ou bien il y a une antipathie entre deux membres du groupe. Il faut pourtant trouver un fonctionnement qui va permettre d'avancer. C'est le type de situation dans laquelle on peut demander l'aide de l'enseignant.
Je me souviens d'une étudiante qui voulait exclure un membre de son groupe. Je lui ai fait remarquer qu'en entreprise, cela ne se passe pas ainsi. Il faut apprendre à travailler avec les autres et à dépasser les antipathies, cela aussi c'est formateur."
Parfois les étudiants n'ont pas le choix, c'est l'enseignant qui constitue le groupe pour favoriser la mixité : entre garçons et filles ou bien entre Français et étrangers ou entre étudiants de formation différente... Cela peut être l'occasion d'apprendre à se connaître, et si le groupe est bien animé, cela peut être très stimulant.
"Il faut apprendre à dépasser les antipathies
comme on devra le faire en entreprise"
comme on devra le faire en entreprise"
Parfois aussi, des étudiants arrivent déjà avec une idée négative du travail de groupe à cause de mauvaises expériences antérieures, il faut les encourager et leur donner des exemples de réussites par exemple.
Ou bien il y a une antipathie entre deux membres du groupe. Il faut pourtant trouver un fonctionnement qui va permettre d'avancer. C'est le type de situation dans laquelle on peut demander l'aide de l'enseignant.
Je me souviens d'une étudiante qui voulait exclure un membre de son groupe. Je lui ai fait remarquer qu'en entreprise, cela ne se passe pas ainsi. Il faut apprendre à travailler avec les autres et à dépasser les antipathies, cela aussi c'est formateur."
Et si l'un des membres du groupe ne travaille pas ?
B. A. : "Dès le début, avant de commencer le travail, il faut penser à préciser les règles : bien expliquer le travail attendu de chaque membre du groupe et insister sur l'engagement de chacun.
Très souvent, la note finale (ou au moins une partie de la note) est commune, les membres du groupe sont interdépendants ; il faut alors rappeler à cet étudiant que son manque de travail sera payé par tous les autres...
S'il ne travaille vraiment pas, il ne faut pas hésiter à en parler à l'enseignant."
Très souvent, la note finale (ou au moins une partie de la note) est commune, les membres du groupe sont interdépendants ; il faut alors rappeler à cet étudiant que son manque de travail sera payé par tous les autres...
S'il ne travaille vraiment pas, il ne faut pas hésiter à en parler à l'enseignant."
Ce n'est pas si naturel en France. On craint de faire de la délation ou bien de paraître "nuls"...
B. A. : "C'est une erreur, l'enseignant est vraiment là pour aider le groupe à avancer, pas pour sanctionner. Il faut le voir comme un guide, non comme un juge. Dans le cas d'un étudiant qui ne travaille pas, l'enseignant peut par exemple assister à une réunion du groupe, aider à reprendre une bonne direction. Il peut s'intéresser au travail de l'étudiant, veiller à le mettre en avant positivement et réactiver sa motivation.
Plus généralement, il ne faut pas s'étonner des difficultés. Dans un travail de groupe, après la phase de lancement, il y a fréquemment un temps d'insatisfaction ou de blocage qui n'a rien à voir avec les capacités des étudiants. Il faut alors s'ouvrir plutôt que de se replier. C'est vraiment là qu'il faut demander une aide extérieure pour éviter que cette phase ne dure trop longtemps, sinon c'est l'ensablement. Ce processus d'évolution du groupe que j'ai souvent constaté est décrit par Richard Lacoursière, enseignant chercheur canadien, dans son ouvrage The Life cycle of groups, (1980)".
Plus généralement, il ne faut pas s'étonner des difficultés. Dans un travail de groupe, après la phase de lancement, il y a fréquemment un temps d'insatisfaction ou de blocage qui n'a rien à voir avec les capacités des étudiants. Il faut alors s'ouvrir plutôt que de se replier. C'est vraiment là qu'il faut demander une aide extérieure pour éviter que cette phase ne dure trop longtemps, sinon c'est l'ensablement. Ce processus d'évolution du groupe que j'ai souvent constaté est décrit par Richard Lacoursière, enseignant chercheur canadien, dans son ouvrage The Life cycle of groups, (1980)".
Et après, que se produit-il ?
B. A. : "En général après ce blocage, le groupe commence à avoir des idées, le travail décolle et chacun est remotivé. Puis on arrive à la phase de production, chacun participe et est fier du travail produit.
Souvent les étudiants sont même étonnés de ce qu'ils ont pu faire ou résoudre ensemble. Ils découvrent alors la force du collectif, cela les place dans une dynamique positive : l'expérience humaine est enrichissante et le résultat est très satisfaisant !"
Souvent les étudiants sont même étonnés de ce qu'ils ont pu faire ou résoudre ensemble. Ils découvrent alors la force du collectif, cela les place dans une dynamique positive : l'expérience humaine est enrichissante et le résultat est très satisfaisant !"
Ce sont aussi des expériences qui préparent à la vie professionnelle ?
B. A. : "Effectivement, le fait d'avoir une bonne expérience du travail de groupe est un énorme atout pour les jeunes diplômés qui arrivent en entreprise. Cela permet d'acquérir des compétences de management, d'organisation, de développer des qualités d'écoute ou d'animation... D'ailleurs les recruteurs apprécient les mentions de ces expériences sur les CV, il faut les mettre en valeur.
C'est pour cela que de plus en plus d'écoles laissent une large place au travail de groupe, par exemple en organisant des entretiens de recrutement collectifs lors du concours d’entrée ou en faisant travailler les étudiants sur de vrais projets initiés par des entreprises.
Si votre établissement n'en propose pas, je vous conseille fortement de former vous-même un groupe, que ce soit pour mener un projet étudiant, réviser un examen ou travailler vos cours."
C'est pour cela que de plus en plus d'écoles laissent une large place au travail de groupe, par exemple en organisant des entretiens de recrutement collectifs lors du concours d’entrée ou en faisant travailler les étudiants sur de vrais projets initiés par des entreprises.
Si votre établissement n'en propose pas, je vous conseille fortement de former vous-même un groupe, que ce soit pour mener un projet étudiant, réviser un examen ou travailler vos cours."