Travailler dans l'humanitaire : quels métiers et quelles formations ?


L'humanitaire attire de nombreux candidats voulant s'engager dans les pays pauvres ou les situations d'urgence. Le secteur se professionnalise, mais les places restent limitées et même les cursus spécialisés ne garantissent pas les débouchés.



Claire est infirmière pour la Croix-Rouge française. Durant un an, elle travaille  au Tchad dans le cadre d'un programme de lutte contre la malnutrition. Auparavant, elle a été infirmière scolaire et a commencé à faire des missions courtes pour la Croix-Rouge durant ses congés.

Loïc, lui, pilote l'installation d'un réseau d'eau alimentant six villages des Comores. Il est hydrolicien et a été recruté comme volontaire par l'ONG Hydraulique sans frontières. Après le bac, il a fait un DUT Hygiène Sécurité qualité et environnement (HSQE)  avant de suivre une formation spécialisée dans la gestion de l'eau et d'occuper plusieurs postes en entreprise.

Quant à Jean-Nicolas, il est logisticien humanitaire et enchaîne les missions d'urgence pour Médecins sans frontières Belgique. Il a eu la chance d'être recruté à 22 ans à la sortie de l'Institut Bioforce, rare école à proposer une formation postbac en logistique humanitaire.


Des métiers ordinaires très variés transférables aux situations humanitaires

Logisticien, infirmier, hydrolicien, instituteur, animateur... Tous ces métiers, très variés, peuvent s'exercer dans le cadre d'une mission humanitaire.

C'est la raison pour laquelle les professionnels du secteur préfèrent parler de métiers "transférables" plutôt que de métiers de l'humanitaire proprement dit.
"Ce que recherchent de plus en plus les ONG, disent les recruteurs, ce sont d'abord des professionnels compétents et expérimentés dotés d'une forte motivation et prêts à s'adapter aux situations des pays d'intervention".

Vous voulez travailler dans l'humanitaire, donner du sens à votre travail ? Commencez donc par acquérir un métier de base, adapté à vos capacités et vos talents : santé, enseignement, animation, mais aussi comptabilité, gestion, commerce, industrie... Les compétences techniques - en mécanique, informatique, bâtiment, logistique - sont aussi appréciées. Derrières les French Doctors de Médecins sans Frontières, il y a en effet tout une chaîne de métiers moins visibles indispensables à une mission.

Le témoignage d'un responsable de Projet Eau, Hygiène et Assainissement 


D'abord des formations pour se spécialiser ou se reconvertir

Travailler dans l'humanitaire, c'est aussi se confronter à des situations difficiles, assumer la souffrance, le manque de confort, l'isolement, la pauvreté... C'est pourquoi beaucoup de recruteurs recherchent des candidats ayant de la maturité et un minimum d'expérience

Beaucoup de formations s'adressent donc à des jeunes ou moins jeunes ayant déjà un premier diplôme et/ou une expérience. Elles proposent  une spécialisation ou préparent à des métiers de coordination pour les situations de crise, d'urgence ou de sous-développement. Beaucoup comportent des stages sur le terrain  : 

L'IFAID Aquitaine (à Bordeaux) prépare en deux ans à un titre professionnel de Coordinateur de projet de solidarité internationale et locale. Il faut avoir au moins un bac+2 mais beaucoup de candidats ont un niveau supérieur dans le social, la santé, la gestion ou l'environnement. 

– IRIS Sup propose en partenariat avec l'Institut Bioforce une formation vers le titre professionnel de "Manager humanitaire - responsable de programmes internationaux" ouvert aux titulaires d'un M1. Il peut permettre de postuler à des postes de chef de mission, coordinateur RH, administrateur, volontaire des Nations-Unies, etc.

– L'ESTP, école d'ingénieurs spécialisée dans le BTP, propose une spécialisation d'un an ouverte aux ingénieurs ou aux bac+5 scientifiques et techniques pour obtenir un mastère spécialisé d'urgentiste bâtiment et infrastructures.

– Le groupe Montpellier Supagro dispense à l'Institut des régions chaudes une spécialisation d'un an, "Innovations dans les systèmes agricoles et agroalimentaires du monde", pour les diplômés en agronomie.

L'Institut Bioforce, à Vénissieux près de Lyon, entièrement spécialisé dans l'humanitaire et bien connu des acteurs du secteur, propose plusieurs formations spécialisées : RH et finance, logistique et sécurité, chef de projet ou eau et assainissement... N'hésitez pas à consulter son site web pour en savoir plus.

- L'université Bordeaux 3 propose une licence professionnelle de chargé de projets en solidarité internationale et développement durable, formation d'un an ouverte à des bac+2 qui prépare à des postes de chefs de projet. 

- Les universités proposent aussi de nombreux masters dans les domaines de la coopération internationale, le développement durable, la gestion des situations de crise ou de santé : par exemple le master Coopération internationale et développement (M2) de l'IEP Bordeaux, le master GEOGRAM option Développement durable et local dans les territoires émergents de l'université d'Orléans (M1 et M2) et le master Crises : intervention d'urgence et actions de développement (M2).

Seules quelques formations postbac

Seule une poignée d'écoles ou de formations vous proposent de vous orienter vers l'humanitaire tout de suite après le bac, mais elles dispensent toutes des compétences qui peuvent aussi être utiles en entreprise : 

L'Institut Bioforce a créé une formation en trois ans réservée aux 18-22 ans et intitulée "Chargé des services généraux et logistique humanitaire". Elle forme à deux métiers aux compétences proches : la logistique humanitaire, mais aussi la logistique des "services généraux" en entreprise. Les étudiants font 4 mois de stage à l'étranger dans l'humanitaire en 2ème année et font la troisième année en alternance en entreprise ou en ONG. Un an après, 77% des diplômés sont en emploi dont 31% en ONG et 69% en entreprise. 21% poursuivent des études, 2% sont en recherche d'emploi.
rens. : humanitaire.institutbioforce.fr

L'Ecole supérieure de commerce et de développement 3A, à Lyon, forme à toutes les disciplines enseignées en école de commerce (RH, finance, économie...) mais comporte une spécialisation humanitaire. Elle dispense ainsi un bachelor humanitaire (bac+3) et un Master of Sciences de coordinateur de mission. Environ un cinquième des diplômés exercent dans une ONG où ils débutent souvent sur le terrain comme chefs de mission. 

L'ISTOM est une école d'ingénieurs postbac basée à Cergy-Pontoise (95) et spécialisée en agrodéveloppement des pays du Sud. Une option permet de se spécialiser dans la "gestion et le financement de projets de développement". La moitié des diplômés trouvent un emploi dans l'aide au développement, dont 15% au sein d'une ONG et environ 6% dans une institution internationale.

D'abord tester sa motivation

Il y a donc une multitude de voies pour travailler dans l'humanitaire : on peut se former classiquement à un premier métier puis suivre une spécialisation ou bien démarrer par une formation spécialisée mais utiliser ses compétences dans un autre domaine.

En réalité, les aller-retour entre l'emploi en France et à l'étranger ou entre l'humanitaire et l'entreprise sont fréquents, même si les grandes ONG proposent désormais des carrières longues aux plus mordus.

Dans tous les cas, commencez par tester votre motivation pour ce type d'engagement. La plupart des étudiants ou des candidats à l'emploi ont commencé par des missions courtes, des expériences de bénévolat en association, dans le social, la solidarité, les chantiers internationaux de jeunes comme ceux proposés par La Guilde européenne du raid. Faire un service civique, en France ou à l'étranger, est aussi une très bonne expérience mais on peut aussi faire un service volontaire européen.

"Participer à une mission de ce type, c'est être à l'école de l'humilité, dit en effet Loïc, hydraulicien. Le développement  est une oeuvre collective : impossible de le porter seul sur son dos. Notre but est d'apporter une aide, sans imposer le point de vue occidental. Et puis, souvent, on est frappé de plein fouet par la réalité du terrain." Mieux vaut s'y préparer non ?

Où se renseigner ?

– Le site de l'Institut Bioforce permet de découvrir tous les métiers de l'humanitaire grâce à des vidéos mais aussi de faire des tests d'orientation pour trouver son profil. Rens. : http://humanitaire.institutbioforce.fr

– Le site www.coordinationsud.org  est le portail de coordination française de toutes les ONG de solidarité internationale. On y trouve des infos d'actualité, des offres d'emploi et la liste des ONG.

– Le site www.aidehumanitaire.org  met en relation les associations et ceux qui veulent partir pour une durée plus ou moins longues, comme bénévole ou volontaire. A consulter si vous cherchez à faire une première mission de découverte de l'humanitaire. Les différents dispositifs permettant aux jeunes de partir sont présentés.

Comment se faire recruter ?

C'est le plus difficile car les candidats sont beaucoup plus nombreux que les emplois proposés.

Qui recrute ?
D'abord les associations de solidarité internationale dites Organisations non gouvernementales (ONG), puis les organisations internationales de l'ONU, et aussi certaines collectivités territoriales (régions, départements) qui peuvent avoir des programmes de développement.

Globalement, le secteur recrute moins de 5000  candidats chaque année en France, car même si les besoins sont immenses, les budgets restent serrés. C'est pourquoi aucune formation ne garantit l'emploi à la sortie dans une organisation non gouvernementale (ONG) internationale.

Quels candidats ?
Comme dit précédemment, des jeunes ou moins jeunes ayant un métier bien en main et souvent au moins deux ans d'expérience. La tendance est à l'élévation des compétences : les grandes ONG privilégient souvent les diplômés d'un bac+5 plutôt que les bac+2/3.

Avec quel statut ?
Pour une première embauche, les ONG proposent souvent aux Français de partir avec un statut de volontaire de solidarité internationale (VSI), ce qui leur permet d'être couverts par le ministère des Affaires étrangères. On peut ensuite être recruté en CDD, puis, si l'on veut s'engager durablement et que l'on a les compétences, en CDI. Il faut cependant toujours être prêt à enchaîner les missions aux quatre coins du monde.

Pour quels postes ?
(réponse dans la vidéo)

Comment faire la différence ?
Il ne suffit pas d'avoir fait une formation spécialisée et d'exercer un métier utile : le ou la candidate doit prouver sa motivation par des réalisations concrètes dans le domaine de la solidarité ou l'international.

Votre parcours personnel doit être "cohérent" : un humanitaire a par exemple convaincu Handicap International par son engagement associatif comme animateur puis directeur de centres de vacances pour personnes handicapées. 

La maîtrise de l'anglais est aussi un pré-requis et l'on vous demande souvent d'être à l'aise dans le travail d'équipe.

Penser aux emplois solidaires

Si l'humanitaire est une porte étroite qui offre peu d'emplois, une expérience en ce domaine peut se révéler très précieuse pour postuler à un emploi en entreprise. 

Proche de l'humanitaire, en France et en Europe, l'économie sociale et solidaire donne en effet naissance à de nouvelles structures – associations, startups, coopératives, espaces de co-working, aide aux migrants – qui recherchent toutes des candidats motivés par l'engagement solidaire. 

Vous cherchez un travail qui ait du sens ? Il ne se trouve pas forcément à l'international mais peut-être dans nos cités ou nos espaces ruraux. 

L'Institut Bioforce a d'ailleurs mis en ligne le site www.portail-solidarite.org pour informer de façon large sur tous les emplois solidaires. S'occuper de personnes handicapées, donner des cours de français à des étudiants étrangers, distribuer des repas dans la rue, monter un projet de développement durable dans sa commune, n'est-ce pas déjà contribuer à rendre le monde meilleur ? 


Mercredi 23 Aout 2017
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