Sortir de la drogue : un jeune Africain raconte son combat



Patrick a grandi en Afrique dans une famille isolée et un quartier pauvre. Il a sombré dans la toxicomanie avant de remonter la pente et de sortir de ses addictions. Il a envoyé son témoignage à reussirmavie pour raconter ce parcours douloureux mais plein d'espoir.



"Mon nom est Patrick, je suis âgé de 30ans. La toxicomanie a été pour moi un gros problème que j'ai eu du mal à résoudre.

J'ai commencé à consommer de la drogue pendant mon adolescence. J'étais timide et je me suis très tôt retrouvé dans un environnement toxicodépendant, où la drogue était à la portée de tous, et où il y avait une multitude de personnes fragiles.

Certains avaient des problèmes émotionnels et relationnels. D'autres consommaient parce qu'ils éprouvaient le besoin d’éliminer une frustration, un mal-être intérieur, et parfois une timidité trop prononcée. Quelquefois, ces jeunes avaient juste envie d'adopter des comportements libres ou de s’évader d'une réalité trop dure. La drogue leur permettait de l'accepter ou d'oublier certains problèmes.

J'ai grandi dans un quartier dangereux au milieu de délinquants

Pour ma part, je venais d’une famille désorganisée, en situation irrégulière. Mon père avait mis ma mère enceinte et ne l'avait pas épousée. Quand je suis né, je n'avais qu’elle et mon frère aîné qu'elle avait eu dans une autre relation. Mon père avait continué à faire d'autres enfants ailleurs et s'était installé loin de nous.

C’est dans ce cadre de liberté excessive que j’ai grandi. J'habitais un quartier dangereux où croupissaient toutes sortes de groupes. La promiscuité servait de refuge aux bandits, aux délinquants et aux drogués de la ville. Ainsi, n’ayant aucun contrôle parental véritable, je me suis retrouvé à suivre une bande de garçons mal éduqués, qui m’ont transmis l’envie de consommer de la drogue avec eux.

C’est l’absence de mes parents, l’absence d’occupation, la faim, mon éducation légère, ma naïveté, ajouté à cette mauvaise compagnie qui m’ont conduit à dépendre de la drogue.

La drogue me faisait oublier mes problèmes et me donnait un semblant de bonheur

Devenu toxicomane en classe de première, mon comportement s'est rapidement modifié. Je n'arrivais plus à contrôler ma consommation : si j'arrêtais je ressentais un syndrome de sevrage. La tolérance par rapport à la substance s’accroissait de plus en plus, et j’avais tendance à augmenter à chaque fois la dose pour obtenir le même effet.

Peu à peu, j'ai abandonné toutes mes autres activités. Et pourtant je toussais, je maigrissais et j'avais mal à la tête. Mais les drogues perturbatrices ou hallucinogènes comme le cannabis perturbent la perception des réalités, de l’espace et du temps. Elles donnent une sensation d’euphorie. C’était le genre de drogue que je consommais.

Ainsi, pouvais-je oublier l'abandon de mon père, nos problèmes financiers et vivre un semblant de bonheur.

Répartis en clans, nous étions tous toxicomanes

Certains de mes compagnons, eux, consommaient des stimulants comme la cocaïne, les amphétamines ou l’ectasy, des produits qui procurent un surplus d’énergie et une sensation d’exaltation. Beaucoup éprouvaient des besoins de vengeance. La drogue leur permettait d'oser des actes de vandalisme, de vol, de viol et de meurtre qu’une personne en état normal est incapable de réaliser. C’était des durs.

Chacun connaissait son type de drogue, et on était répartis en clans, mais nous étions tous toxicomanes car tous nous avions perdu le contrôle sur nos consommations malgré ses effets négatifs. Il y avait entre autre le chômage et l'endettement car certains allaient jusqu'à s’endetter afin de se procurer des doses de drogue. Ils versaient ensuite dans la criminalité, la prostitution, et la délinquance.

Personnellement, j'en suis arrivé à abandonner le lycée - car je trouvais plus de profit dans la drogue que dans l’école - à soutirer de l’argent dans les poches de ma mère, à escroquer mes tantes et cousins.

J'étais sale, seul, rejeté

Petit à petit, ma santé physique et mentale ont commencé à se dégrader et je souffrais de problèmes respiratoires. Tout autour de moi il y en avait qui portaient le virus du sida et de l’hépatite, du fait des consommations de drogues par injection. Le risque de contamination était alors élevé parce que la même seringue était utilisée pour les injections.

Malade, j’avais perdu beaucoup de poids, mes discours se déréglaient. Je me retrouvais facilement dans une conversation à émettre des idées enfantines, n’ayant très souvent rien à voir avec le fil de la discussion.
 
"Je balbutiais tout seul dans la rue"

Cela m’a coûté la mise à l’écart de la part de mes proches. J’étais tellement isolé que je balbutiais tout seul des phrases dans la rue.

A force de m’obstiner à me droguer, je me négligeais, je ne me lavais plus, j'étais sale. Si je recevais de l’argent, je le dépensais immédiatement dans les drogues. Du coup, on ne m’isolait plus seulement, on me rejetait. Progressivement, personne ne voulait plus cheminer avec moi, car je passais déjà pour un malade mental dangereux qui pouvait attirer mes amis brigands à faire des coups contre ma propre famille.

Grâce à mon frère, j'ai pris la résolution de changer

J'ai sombré un bon moment dans cet état jusqu'à ce que mon frère aîné décide de voler à mon secours. Pour commencer, il me trouva parmi ses relations un boulot. Cela m'a permis de prendre soin de moi. Il m'avait fait promettre de ne pas retourner parmi les drogués, ni même de goûter à la drogue.

Mes problèmes respiratoires ont été résolus, ma santé mentale se rétablissait. Peu à peu je m'intégrais dans la société.

J’avais personnellement pris la résolution de changer, car même si la drogue procurait du plaisir, ce n’était qu’éphémère et bien après, ça me laissait dans de la fatigue et les maux de tête. C’était bien moins que ce que je gagnais en travaillant et en économisant pour mon avenir.

Après des années de combat, j'ai fini par maîtriser mes pulsions

Cet engagement personnel ou mieux, cette prise de conscience m’a permis de résister face au désir incessant et agressif de prendre quelques doses de drogue. Bien évidemment,j’ai quelques fois failli à mon engagement, mais ça n’a duré que quelques brefs instants. Ces doses réduisaient de plus en plus si bien que j’ai fini au bout de quelques années par maîtriser complètement ces pulsions.

Aujourd’hui, pour éviter de retomber dans la toxicomanie, je contrôle les facteurs qui m’ont exposé la première fois à la drogue. C’est-à-dire que je m’occupe constamment et utilement, j’évite la compagnie des gens oisifs et toxicomanes. J’évite les milieux où se distribuent ou se vendent facilement les drogues.

Dorénavant, je suis plus occupé à atteindre les objectifs fixés dans mes projets.

Pour sortir de la drogue, il faut d'abord réaliser sa souffrance

En fait, sortir de la drogue n’est pas un combat aisé. Il faut souvent un élément déclencheur qui permet de s'éloigner de son milieu malsain. Cela peut venir de la famille ou même de la société. Certains de mes anciens compagnons ont été incarcérés et en ont profité pour réfléchir sur leur situation.

Il faut en effet réaliser toute sa souffrance et prendre personnellement la décision de mener ce combat, sans quoi toute aide serait inutile. Après, il faut changer d’environnement. C’est là que les proches et les structures d’appui peuvent aider. Il faut s’entourer de personnes saines et occuper son temps par des passions constructives pour laisser moins de temps et d’espace à ses pulsions. C'est ce que j'ai vécu ce qui prouve que c'est possible !

Je pense que  la lutte contre la pauvreté aidera aussi à réduire le nombre de toxicomanes. Mais le véritable combat se passe au niveau des consciences et des mentalités.
Alors, si vous êtes jeune, je vous encourage à mieux vous connaitre, à éviter la facilité, et à braver les difficultés pour préparer très tôt votre avenir. Cela vous évitera les esclavagismes aux drogues et autres, qui réduisent l’homme à la bassesse et le condamnent à être un fardeau et un danger pour ses proches.


15 Mai 2017
Dans la même rubrique :