Service civique : François Hollande pour une formule plus courte et non rémunérée


Lors de ses voeux pour 2015, le président de la République a confirmé que le service civique allait être élargi à tous les jeunes qui voudront faire une expérience d'engagement. Une formule plus courte, mais sans rémunération.




Photo : Présidence de la République
"Nous devons nous retrouver à travers l'engagement, c’est une vertu pour la Nation, c'est ce qui nous rassemble dans une même patrie, a déclaré François Hollande le 31 décembre 2014. Le service civique sera donc élargi à tous les jeunes, dans toute leur diversité, tous les jeunes qui en feront la demande".

Cette brève annonce du chef de l'Etat lors de ses voeux aux Français vient confirmer une idée qui couvait depuis quelques semaines : lors d'une interview télévisée, le 6 novembre 2014, le président avait déjà annoncé un "élargissement" du service civique

Le dispositif mis sur les rails en 2010 par Martin Hirsch s'adresse aux jeunes de 18 à 25 ans qui veulent vivre une expérience d'engagement durant 6 à 12 mois dans une association ou une collectivité. En contrepartie, ils touchent une indemnisation mensuelle de 573 euros prise en charge par l'Etat (+106 euros versés par l'organisme).

Un service civique universel... mais bénévole

Le service civique ainsi cadré a connu un succès croissant au fil des ans, de plus en plus de jeunes se portant candidats pour une mission. Seul problème : le budget de l'Etat consacré au dispositif n'étant pas extensible, seule une candidature sur 5 peut actuellement être satisfaite.

En novembre 2014, le Parlement a donc voté une rallonge budgétaire au service civique qui devrait permettre de financer 45 000 jeunes en 2015 (contre 30 000 en 2014). Un montant qui reste toutefois insuffisant pour atteindre l'objectif des 100 000 jeunes en service civique que le gouvernement voulait atteindre d'ici 2017.

Diverses pistes de financement complémentaire avaient été évoquées en juillet 2014 par Najat Vallaud-Belkacem et François Chérèque, l'actuel président de l'Agence du service civique : faire contribuer les divers ministères (notamment l'Education nationale), des entreprises privées, des opérateurs publics (hôpitaux, sapeurs-pompiers, etc.)

François Hollande a manifestement opté pour une autre piste : il s'agit de créer une nouvelle formule de service civique plus court (d'une durée de deux à trois mois), mais non rémunéré ! Voilà qui résout ainsi le problème du financement et peut permettre de répondre à la demande de tous les jeunes. Ce service civique pourrait ainsi être appelé "universel". Il ne viendrait toutefois pas remplacer la formule existante, mais la compléter.

Un système à deux vitesses ?

En résumé, on semble aller vers un système à deux vitesses (dit "universel" !) où certains jeunes pourront continuer à vivre un service civique durant au moins six mois et être indemnisés, et ceux qui ne le seront pas et serviront bénévolement durant quelques semaines.

La formule "raccourcie" perdrait ainsi l'atout négocié de haute lutte par Martin Hirsch en 2010 : la précieuse indemnisation (dont le montant avait déjà été considéré en 2010 comme insuffisant) qui rémunère un vrai travail et permet de subvenir à ses dépenses quotidiennes (quelques associations assurant le logement). Elle perd aussi la durée qui confère au service civique la valeur d'une véritable expérience professionnelle (et peut être indiquée sur un CV), un point d'autant plus utile aux jeunes sans formation ni projet.

Dès lors, atteindre de cette façon le chiffre de 100 000 jeunes en service civique ressemble fort à un tour de passe-passe politicien où l'on fait passer pour "service civique" une simple mission bénévole. Ne pourrait-on ainsi éradiquer le chômage de tous les jeunes en leur offrant un CDI sans rémunération ?

Des réactions très réservées des associations

Les grosses associations qui embauchent le plus de jeunes en service civique ne s'y sont pas trompées.

L'Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville) a estimé dans un communiqué que "un service civique réduit à deux ou trois mois ne permettrait pas de créer pour les jeunes une expérience de qualité dans les associations". L'Afev fait aussi remarquer qu'un "engagement sans indemnité relève du bénévolat. Si le bénévolat gagnerait à être mieux reconnu, il ne doit pas être intégré dans un service rendu à la nation".

Mêmes réserves de la part d'Unis-Cité : "le service civique n'a de sens que s'il constitue une véritable «étape de vie», par nature indemnisée, suffisamment longue (6-12 mois) pour être à la fois utile et transformatrice".

Aucun texte n'a toutefois été encore présenté pour donner corps aux divers propos de François Hollande. Celui-ci avait par ailleurs suggéré en novembre 2014 que la formule "raccourcie" du service civique puisse à terme devenir obligatoire.
Un point là aussi critiqué par l'Afev : "Un service civique rendu obligatoire - quelque soit sa durée - est contradictoire avec l'idée fondamentale de l'engagement volontaire".

Le débat autour du service civique ne fait manifestement que commencer.




Rédigé par le Vendredi 2 Janvier 2015
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