Permis de conduire : les propositions de réforme font débat


Le débat enfle sur les mesures à prendre pour réformer le permis de conduire, et réduire les délais et le coût pour les jeunes. Un rapport d'experts vient d'être rendu au gouvernement mais ses propositions sont loin de faire l'unanimité !




En France, le permis de conduire est  un véritable serpent de mer : sans cesse critiqué parce qu'il est trop cher à obtenir, les gouvernements successifs tâchent de le réformer... sans y parvenir. Et le problème ressurgit, sur fond de grogne sociale et de chômage des jeunes.

Le plus gros problème concerne les délais d'attente : après un premier échec pour 40% des candidats, il faut en moyenne patienter... 98 jours avant de pouvoir être représenté, un délai qui s'est allongé de 12 jours entre 2012 et 2013, et oblige à reprendre de coûteuses leçons pour garder la main.

Les recrutements d'inspecteurs prévus après la réforme de l'examen en 2009 n'ont manifestement pas suffi : trop peu nombreux, les inspecteurs sont débordés par le nombre de candidats, surtout dans les grandes villes comme Paris. Pourquoi ne pas faire passer les examens non par des fonctionnaires de l'Etat mais des sociétés privées qui seraient certifiées ? C'est la réforme du permis proposé par le député Jean-Christophe Fromentin, fin 2013. Il proposait que ces sociétés délivrent un permis probatoire de deux ans, qui deviendrait définitif si le conducteur n'a pas eu d'accident.

Le gouvernement n'a pas donné suite, mais a décidé en mars 2014 d'appeler des inspecteurs retraités à faire passer le Code. D'autre part le ministre de l'intérieur en 2013, Manuel Valls (aujourd'hui Premier ministre) avait demandé à des experts d'étudier la question et de lui faire des recommandations.

La conduite accompagnée à 15 ans, le permis probatoire...

Le 22 avril 2014, le rapport des experts est donc arrivé sur le bureau du nouveau ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve. Il n'a pas été rendu public, si bien que les mesures préconisées ont filtré de façon éparse. Ce qui n'a pas manqué de susciter une flopée de réactions !

Recruter des inspecteurs ? Il manquerait entre 80 et 400 postes, ont évalué les experts. Mais en ces temps de vaches maigres budgétaires, il serait bien surprenant que le gouvernement décide d'en créer.

Déléguer à des agents du privé assermentés le passage des examens du Code ? Cela permettrait de dégager l'équivalent de 80 inspecteurs pour les examens pratiques de la conduite. Les auto-écoles, représentées par le syndicat CNPA, n'y sont pas hostiles. Mais c'est le corps des inspecteurs qui s'offusque de voir une part de leur mission "partir vers le privé". Et ne serait-ce pas un coût supplémentaire pour le candidat ?

Le rapport a aussi lancé d'autres pistes comme le fait d'abaisser à 15 ans (au lieu de 16) l'âge qui permet de démarrer la "conduite accompagnée", un dispositif qui permet à la fois de baisser le coût du permis et d'augmenter le taux de réussite, mais qui est hélas trop peu utilisé. Autre bonne idée : aider les candidats à être moins stressés pour augmenter le taux de réussite !

Enfin, l'idée d'un permis probatoire a été avancée par les experts : le permis serait moins dur à obtenir, mais il faudrait ensuite deux rendez-vous pédagogiques supplémentaires pour le valider définitivement. Ceci aurait le mérite d'aider les candidats à conduire mieux, d'où un gain pour la sécurité routière, mais pas forcément pour leur porte-monnaie, sans oublier le risque d'embouteillage en auto-école...

Les propositions des auto-écoles

Les auto-écoles ont elles aussi apporté leur pierre au débat avec une série d'autres suggestions faites par leur syndicat, le CNPA :

Diminuer la durée de l’examen pratique de 35 à 32 minutes (sans baisser la durée de conduite effective de 25 minutes) ce qui permettrait de récupérer plus de 150 000 places d'examen.

Instaurer un "ticket payant" ou "droit d'entrée" pour le candidat : il devrait s'acquitter de "droits d'examen" de l'ordre de 30 euros pour passer le permis. Cela pourrait permettre de financer "un budget réservé uniquement aux inspecteurs", et donc d'en recruter en vue de raccourcir les délais, estime le CNPA.

– Pour l'abaissement de l'âge de la conduite accompagnée, le CNPA-FDC préférerait qu'on passe le Code à 15 ans et demi, pour partir réellement en conduite accompagnée (CA) dès 16 ans.

– Le CNPA retient aussi l'idée d'un vrai permis probatoire, d'une durée d'un an pour ceux qui ont fait la conduite accompagnée avec un rendez-vous pédagogique pour valider le permis de conduire, et de deux ans pour les autres avec 3 rendez-vous pédagogiques.

La balle dans le camp du gouvernement

Quelles mesures vont-elles être retenues dans tout cela ? Les équipes du ministre de l'Intérieur sont sans doute en train d'étudier les divers scénarios et l'annonce d'une réforme devrait normalement suivre...

Un exercice politique difficile qui demande de concilier les contraintes budgétaires, la Sécurité routière, les intérêts des auto-écoles qui défendent leur profession et ceux des jeunes qui peinent à financer leur permis ! Espérons que dans ce subtil travail d'équilibriste, ils ne seront pas oubliés.

Pour en savoir plus :
Voir notre rubrique Permis de conduire



Rédigé par le Lundi 5 Mai 2014
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