L'étude du chinois progresse en France, mais doit encore mieux faire

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Le chinois sera enseigné en lycée dans toutes les académies à la rentrée 2013. La langue la plus parlée au monde progresse dans les choix de langues des jeunes Français... mais il reste encore bien du chemin à parcourir. Enquête.




Ce qui était hier en France une "langue rare" est en passe de devenir un choix de LV2 ou LV3 parmi d'autres au collège et surtout au lycée en France.

Selon une note établie pour l'année 2012-2013 par Joël Bel Lassen, inspecteur général de chinois au ministère de l'Education (et récemment citée par l'AFP),  le chinois, langue la plus parlée au monde, est désormais enseigné en France dans 593 collèges et lycées ce que l'a fait passer de la 9ème à la 5ème place dans le secondaire. C'est 13% de plus qu'il y a un an et 400% de plus qu'il y a dix ans !

Avec l'ajout de la Corse, le mandarin sera de fait enseigné dans toutes les académies de métropole à la rentrée 2013 et la presse a embrayé cette semaine en titrant sur le "boom de l'enseignement chinois en France".

Un vrai 'plus' pour le commerce international et l'emploi

L'inspecteur constate dans sa note (voir en bas de l'article) qu'on commence aussi le chinois de plus en plus jeune : près de la moitié des élèves l'ont choisi en LV1 ou LV2, alors que dans les années 1980 le mandarin était essentiellement enseigné en troisième langue ou en option facultative.

Mais c'est surtout dans l'enseignement supérieur qu'il s'est taillé une belle place ces dix dernières années : le chinois est enseigné dans 150 universités, instituts et grandes écoles.

En effet, les étudiants qui visent une carrière à l'international le savent : la Chine est désormais la seconde économie mondiale, le premier pays exportateur, "et si tu veux faire du commerce en Asie, c'est un must", explique un étudiant en école de commerce. De fait des recruteurs exigent maintenant pour certains postes à international la maîtrise de l'anglais et du chinois et pouvoir indiquer cette langue sur son CV est réellement un "plus".

Au-delà des cocoricos, les vrais problèmes

L'inspecteur de chinois modère pourtant l'effet positif produit par ces chiffres en notant que cette progression... reste très insuffisante "par rapport aux perspectives qu'offre cette langue de civilisation, la plus parlée dans le monde (20,4% de la population mondiale, contre 11,3% pour l'anglais)".

Au-delà des cocoricos, il estime que "l'absence de réactivité au monde tel qu'il va peut produire de préoccupantes anomalies". Ainsi, note-t-il, "le chinois ne peut être présenté en première langue au concours d'entrée aux grandes écoles commerciales" !

De fait la vitesse de l'expansion chinoise a pris de court notre système éducatif (un peu moins rapide !), et l'on se trouve face à un manque criants d'enseignants !

Autre problème qu'il ne faudrait pas éluder selon lui, la difficulté de la langue et ses spécificités (comme la progression distincte des compétences orales et écrites), qui le conduit à préconiser un démarrage d'apprentissage dès le collège et même... l'école primaire (où le fait d'introduire l'anglais fait déjà débat).

L'avis d'une étudiante qui a commencé au collège

Anne-Claire, en échange universitaire à Taiwan
Une difficulté qu'une étudiante en deuxième année d'école de commerce confirme. Elle-même a commencé le chinois en 4ème en LV2 : "C'est une langue qu'il faut étudier assez longtemps avant de réussir à l'utiliser, explique-t-elle : les sonorités et l'écriture étant totalement opposées au Français, on a plus de mal à mémoriser, surtout sur le long terme. Au lycée, chaque été, nous perdions 50% de ce que nous avions appris pendant l'année".

"Les enfants chinois eux-mêmes ne savent pas totalement lire avant l'âge de 10ans (en gros, ils passent tout leur primaire à apprendre à lire), souligne l'étudiante, alors quand je vois des étudiants français qui ont fait 2-3ans de chinois en 3ème langue ou option, par curiosité ou pour le mettre sur le CV, je reste sceptique".

"Cela dit, apprendre la langue permet de comprendre plus profondément l'état d'esprit des gens, la culture locale... Donc je pense que c'est important d'apprendre la langue sur le long terme, et non intensivement pendant quelques courtes années", confirme Anne-Claire.

Poursuivre après le bac : pas si simple

Autre problème si l'on veut étudier le chinois en France selon elle, "les occasions de poursuivre l'apprentissage, en cas de changement d'établissement/ passage en études sup, sont beaucoup plus réduites que celles de l'espagnol et l'allemand. Donc beaucoup de gens sont obligés d'abandonner. Par exemple dans ma classe de chinois du lycée, sur 16 élèves, je pense que seulement 6-7 ont pu continuer à l'étudier dans le supérieur". 

Après son bac, l'étudiante a elle-même envisagé de faire un BTS de commerce international, "mais un seul lycée sur Paris proposait le chinois dans les langues et je  n'ai pas été prise", raconte-t-elle.

"Je suis finalement entrée à l'ESDES, une école de commerce postbac, notamment parce que je pouvais y poursuivre le  chinois alors que c'était impossible dans d'autres business schools comme l'Essca. Cela dit il y a peu de niveaux différents et les cours ont lieu le soir. J'ai aussi choisi cette orientation parce je pouvais passer un semestre à l'étranger notamment en Asie et j'ai choisi Taiwan".
 
"Ensuite, il y a d'autres problèmes qui se posent : quel chinois devrais-je continuer à apprendre? Le simplifié, utilisé en Chine continentale  mais qui n'est pas la langue originale, elle manque de sens... Ou le traditionnel (utilisé seulement à Taiwan), mais authentique. Les caractères prennent plus de sens en traditionel."

Pour en savoir plus :
Lire la note de l'inspecteur sur l'Etat du chinois en France en 2013-2013 (ci-dessous en format pdf)
le blog d'Anne-Claire, étudiante à Taiwan : http://anneclaireintaiwan.wordpress.com

ETAT DU CHINOIS-decembre 2012.pdf  (116.86 Ko)




Rédigé par la rédaction le Mercredi 24 Avril 2013
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