Gwénaelle, éducatrice de rue : "la cité est un lieu d'humanité"



Gwénaelle travaille et vit depuis 2007 dans un quartier difficile de Toulon pour une association. Elle témoigne d'un boulot passionnant, mais aussi d'une expérience de vie.



"J'ai toujours voulu travailler auprès des jeunes, raconte Gwénaelle, pour revenir au début de son parcours. C'est une réflexion entendue au collège qui m'a marquée : "Ce jeune-là, on n'en tirera jamais rien !". Cela m'a révoltée ainsi que la façon que l'on a de toujours ramener les jeunes à leur cursus scolaire".

C'est pourquoi après des expériences professionnelles à la Fondation d'Auteuil puis en lycée professionnel, la jeune femme fait le choix en 2007 de travailler pour le Rocher, une association qui assure une présence dans les quartiers difficiles. Direction Toulon et la cité Sainte-Musse : "Là, je travaille avec les jeunes non pas dans un contexte scolaire mais dans la rue, au milieu de leur cité et auprès de leur famille. Je ne les vois pas enfermés dans une case mais dans leur globalité".

Ceux avec qui on travaille sont aussi nos voisins et ça change tout !

"La particularité du Rocher, c'est qu'on habite dans le quartier, poursuit Gwénaelle : je vis dans un appartement HLM de la cité. C'est un peu différent de ce que l'on conseille aux éducateurs en leur disant de garder une distance. Mais moi, j'ai eu envie de vivre ça : partager la même réalité que les gens. Quand il y a une coupure d'électricité ou de gaz, on l'a aussi. Les personnes avec qui on travaille sont aussi nos voisins, nos amis, et pour moi, ça change tout !"

Au quotidien, elle est pourtant pro à 100% : "Mon boulot, c'est de coordonner tout ceux qui interviennent pour l'association dans la cité : les éducateurs et les jeunes bénévoles, et de faire aussi le lien avec les partenaires sociaux. On est une des réponses de la politique de la ville.
Notre mission, c'est surtout d'être présents dans la rue avec les enfants. On organise des animations pour eux en bas des immeubles : une bibliothèque de rue, des parties de hockey, des jeux. Les jeunes nous connaissent : on vient à heure fixe pour leur donner des repères, et cela nous permet de rentrer en contact avec les familles. On a aussi un foyer pour l'aide aux devoirs, et des activités pour les mères : on fait un gros travail auprès des parents". Gwénaelle apprécie : "quand on voit un jeune, on voit toute sa famille".

Je suis accueillie dans plusieurs familles

Sur le plan personnel aussi, l'expérience est riche : "J'ai été frappé par la gentillesse des gens. Ici, ils sont attentifs. Une fois, je suis partie 15 jours en vacances et au retour, en l'espace de 20 minutes, plusieurs personnes m'ont demandé de mes nouvelles ; les fenêtres s'ouvraient  : 'Alors, Gwénaelle, ça s'est bien passé tes vacances ?" ça m'a beaucoup touché.

Ce que j'ai découvert, c'est que la cité est un lieu d'humanité : ici, certains sont devenus mes amis ; je suis accueillie dans plusieurs familles. On m'apporte des plats typiques à partager, il y a une réelle confiance.
Quand on fait des camps de vacances avec les jeunes, ils sont hyper-reconnaissants, et il savent s'émerveiller. Certains sont durs c'est vrai, mais quand on gratte un peu..."

La violence, c'est une question de peur

Gwénaelle avec des filles de la cité
Et la violence ? la drogue ? "Quand on est à l'intérieur de la cité, c'est différent, répond Gwénaelle. Je crois qu'il y a  deux réalités : ceux qui sont dedans, et ceux qui sont dehors. Et ceux qui sont dedans ont peur, c'est pour ça qu'ils agressent ! J'attaque avant de me faire attaquer, c'est une question de peur...

Quand on part en camp, on sent cette agressivité avec eux au début, puis elle passe. Je me souviens d'un retour de camp qui s'était super bien passé. On rentre dans la cité, une fille descend du car et la première chose qu'elle dit à sa petite soeur qui l'attendait, c'est une grossièreté. Elle me regarde et elle me dit : "désolée Gwénaelle, mais quand je suis dans la cité, je peux pas parler autrement".

"Il est vrai aussi que beaucoup ne travaillent pas, et que la drogue est présente."

Il y a des choses à faire dans les cités

Et les résultats, les animateurs du Rocher en voient-ils ? "Oui, on voit des choses qui avancent. Je pense par exemple à une jeune de 21 ans, qui était déscolarisée depuis la troisième et sans formation. On a monté un camp avec elle puis elle a participé à des petites actions.
Ensuite, on l'a aidée à faire des démarches, et maintenant elle a trouvé un travail de ménage à temps plein et elle a pu passer son code !"

"Oui, il y a vraiment des choses à faire", assure Gwénaelle, même si son mariage doit l'amener prochainement à quitter la cité de Toulon pour prendre un autre poste. Avis aux amateurs d'action sociale et d'aventure humaine.

En savoir plus sur Le Rocher : www.assolerocher.org

9 Juin 2013
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