Fabrice, jeune patron de Cotton Society à Shanghai


A 29 ans, Fabrice vit à Shanghai où il dirige Cotton Society, l'entreprise de vente en ligne de chemises sur mesure qu'il a créée durant ses études en Chine. Un beau succès mais qui n'est pas tombé tout cru. Par ici l'aventure...



Fabrice de Buhan dans les bureaux de Cotton Society à Shanghai. Photo : reussirmavie.net
Le matin où j'ai rendez-vous avec Fabrice, dans un café de Shanghai, le jeune entrepreneur rentre tout juste de Tokyo. Quand il arrive, il salue un groupe de touristes et une étudiante prêts à partir visiter la ville. "C'est Culture-Shock, la deuxième entreprise que je viens de lancer et qui propose des visites de Shanghai à vélo", m'explique-t-il. Ah bon, parce qu'il n'y a pas que les chemises ??

On s'asseoit pour reprendre le film depuis le début. Fabrice passe commande en chinois. "Je le parle couramment et 80% de mon travail se fait en chinois."

Waouh ! Et comment en vient-on à 29 ans à parler chinois couramment et à diriger deux sociétés à Shanghai ?

Trois ans d'étude à Pékin pour apprendre le chinois

"J'ai grandi à Boulogne-Billancourt où j'ai fait toutes mes études, raconte Fabrice, mais j'étouffais un peu dans cet environnement et j'ai vite voulu aller voir ailleurs".

Il a de l'énergie à revendre, envie de se démarquer, d'élargir ses horizons ("mon père a grandi à Dakar, ma grand-mère dans l'ex Indochine") : "Alors, après le bac en 2006, j'ai choisi une école de commerce postbac, le CESEM Reims (aujourd'hui Neoma Business School, Ndlr), qui propose un cycle franco-chinois : on fait deux ans en France avec six mois de stage et trois ans à Pékin : ça permet d'obtenir un double diplôme et d'atteindre un niveau de chinois excellent."

Ça, c'est le côte pile, genre plaquette d'école de commerce. Côté face, Fabrice ne cache pas que les années d'études à Pékin ont été dures : "Honnêtement, c'était horrible ; pour le chinois, j'ai dû énormément bachoter. J'avais de grands moments de solitude et c'est pour me changer les idées que j'ai créé Cotton Society".

Il vend ses premières chemises pour financer ses retours en France

Pour tout dire, il y a eu un autre déclic : "J'aimais quelqu'un en France et il fallait financer les aller et retour. Alors, quand je rentrais, je rapportais aux copains des chemises faites à leurs mesures". Oui parce qu'en Chine, comme souvent en Asie, on peut se faire faire des vêtements sur mesure en deux temps trois mouvements dans de petites boutiques.

Alors quand l'amateur de chemises a commencé à vendre sur internet, deux entrepreneurs français lui ont proposé  de créer une société : "On a fondé Cotton Society en septembre 2010, et en 2011, j'ai pu y faire mon stage de fin d'études, et puis j'ai déménagé à Shanghai où j'ai trouvé un environnement business plus favorable".

Le site de vente en ligne de chemises sur mesure est lancé et les premières commandes arrivent ! "Mais au début, j'étais tout seul. Je m'occupais du site, j'allais à l'atelier, je faisais les colis, je les portais à la poste." Pourtant, ça marche... "car j'avais zéro charges, et puis j'ai travaillé le produit durant deux ans."

La qualité Made in France fabriquée à Shanghai !

Travailler le produit ? Ça devient technique mais assez bluffant : "Je voulais fabriquer de la qualité et j'ai eu la chance de me lier sur internet avec un ancien chef d'atelier de Lanvin, une grande marque française. Lui était heureux de me transmettre toutes les techniques de confection artisanales abandonnées en France, la tradition de la chemise cousue main. Moi j'ai fait le lien avec la Chine".

Dans l'atelier de Shanghai, on coupe chaque chemise à la main.
Fabrice est encore étudiant lorsqu'il rencontre sur un salon textile un chef d'atelier de confection chinois. "Il a cru en moi, j'ai cru en lui." Par l'intermédiaire de Cotton Society, le petit atelier de Shanghai va suivre pas à pas les consignes de l'artisan français mis au rancart. Et passer de 100 à près de 800 chemises par mois, de 4 à 20 personnes aujourd'hui.
"Mais toujours en proposant des chemises de grande qualité à moins de 80 euros qui sont livrées en trois semaines", précise Fabrice.

Euh, et c'est quoi le secret ? Les salaires de l'atelier ? "Pas du tout. Les gens de l'atelier ne sont pas sous-payés mais ils sont rapides, agiles, ils ont des méthodes de travail et un savoir-faire manuel très efficaces".

La qualité française alliée au pragmatisme chinois en somme... Lanvin et le petit tailleur chinois. C'est presque le rêve d'une mondialisation vertueuse où chaque peuple apporterait le meilleur, non ?

Dans les bureaux de Cotton Society

Pour finir, Fabrice m'entraine dans les bureaux de Cotton Society où travaillent aujourd'hui 4 salariés, à quelques rues du petit atelier de confection.

Ici on réceptionne les commandes qui arrivent sur le site internet. "Les gens choisissent sur le site la qualité de leur tissu, la couleur, la forme du col et des poignets. Ensuite ils donnent leur âge, leur taille et poids et un algorithme que j'ai mis au point calcule les mesures de leur chemise, ils ont juste à les valider ; cela marche très bien et nous avons très peu de retours".

Vous voulez voir à quoi ça ressemble ? Petite visite vidéo des bureaux de Cotton Society.


Le business en Chine, il y croit

Alors, cela vous donne donne envie d'aller créer votre boite en Asie ? C'est vrai que l'aventure de Cotton Society est motivante d'autant que tous les voyants semblent au vert : "En 2013, nous avons ouvert une boutique à Paris et depuis 2015, elle est bénéficiaire et en forte progression".

Du coup, les projets ne manquent pas : d'autres boutiques pourraient ouvrir, le marché devrait s'étendre hors de France... "Nous voulons redonner aux gens l'habitude d'aller chez le tailleur", dit Fabrice.

Lui pense que les jeunes entrepreneurs ont encore de belles opportunités à saisir en Chine... à condition d'être persévérant. "L'avantage de mes trois années d'études en Chine, c'est que cela m'a permis de construire à long terme", dit-il en repensant à son parcours.

Sur le plan personnel aussi il a posé ses fondations : celle pour qui il faisait des "Pékin-Paris" les valises pleines de chemises l'a rejoint en Chine. Aujourd'hui, le jeune entrepreneur est marié et papa. "Alors il faut que ça marche, hein, dit-il en repartant sur son vélo !"



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