Commissaire de justice : un métier varié pour exercer le droit au quotidien


Ce nouveau métier créé en 2022 a repris les missions des huissiers de justice et des commissaires-priseurs. Peu connus, ou affublés d'une image ingrate, les commissaires de justice sont pourtant des juristes de proximité qui rendent des services utiles et très variés. Avec Pauline, découvrez la vraie vie d'une commissaire de justice passionnée !



Peu d'étudiants débutent des études de droit pour devenir commissaire de "justice". A la rigueur commissaire de police. Mais bien souvent, beaucoup se voient plutôt revêtir la toge du magistrat ou la robe d'avocat.

En première année de droit, Pauline, elle, voulait découvrir le métier de notaire en faisant un stage. Mais dans sa commune, le notaire et l'huissier exerçaient dans un même bâtiment. "Et en portant ma candidature, raconte-t-elle, je me suis trompée d'étage ! J'ai rencontré l'huissier qui a tout de suite accepté ma demande de stage." 

"Les missions sont tellement variées qu'il n'y a pas de routine car aucune journée ne se ressemble"
 

Voilà comment, sur une méprise, la stagiaire découvre le métier d'huissier de justice : "Et j'ai adoré, raconte-t-elle! Ce qui m'a plu, c'est de combiner le travail de bureau et les missions en extérieur comme les constats mais aussi les ventes aux enchères. J'ai découvert la gestion de dossiers, mais aussi la prévention des conflits et l'aspect humain et social de cette profession."

Mais ce que j'ai particulièrement aimé c'est qu'il n'y a pas de routine. Aucune journée ne se ressemble, et les missions sont tellement variées qu'on n'a pas le temps de s'ennuyer !"
 

Les missions des huissiers et des commissaires-priseurs fusionnées

Quelques années plus tard, Pauline a obtenu un master 2 de Droit des contentieux, réussi l'examen d'entrée à l'Institut national de formation des commissaires de justice (INCJ), et achevé les deux ans de formation.

Elle travaille comme salariée dans un étude en attendant de "s'installer" pour ouvrir la sienne !

Entre-temps, le métier a changé de nom. En 2022, une réforme a en effet fusionné les missions des huissiers de justice avec celles des commissaires-priseurs judiciaires qui organisent les ventes aux enchères d'oeuvres d'art. Le nouveau métier de "commissaire de justice" a donc un champ de compétences très large, et l'INCJ dispense des cours d'histoire de l'art en plus du droit.

"Mais pour l'instant, les anciens huissiers s'aventurent peu vers les ventes d'art car les professionnels gardent leur expertise", souligne Pauline. La jeune professionnelle reste, elle, orientée vers la justice du quotidien et les missions de terrain qu'elle apprécie toujours autant.

Que fait le ou la commissaire de justice ?

Le cinéma a souvent représenté l'huissier (le commissaire) en train de sonner aux portes pour signifier une expulsion !

Informer une personne ou une organisation d'une décision de justice fait bien partie de ses missions, ce qui explique qu'il doive souvent se déplacer en personne. Il représente alors le ministère public, raison pour laquelle c'est un professionnel assermenté. 

Il est aussi chargé de recouvrer les créances non payées par exemple un loyer, une pension alimentaire ou une dette. Il peut alors faire saisir des biens, un salaire, un logement, mais toujours en s'appuyant sur les décisions judiciaires. Sa mission n'est pas de faire la justice, mais de faire exécuter les décisions. Voilà pour la partie émergée de l'iceberg, ses missions les plus connues.

 

Des missions de médiation, de constat, de conseil juridiques

Mais le commissaire de juste agit aussi en amont, notamment pour prévenir les conflits : dans le cas d'un litige, d'un impayé, d'un conflit de voisinage, il peut être mandaté pour être médiateur et aider à trouver un accord à l'amiable.

C'est le professionnel de la preuve : on lui demande d'établir des constats avant travaux, d'être présent pour un état des lieux entre propriétaire et locataire, de constater une nuisance sonore, d'assurer la régularité d'un tirage au sort, ou de signifier qu'un permis de construite a été accordé. Tout cela permet de prévenir d'éventuels désaccords.

Toujours dans le but d'éviter les conflits et d'assurer la conformité avec la loi, il peut apporter des conseils juridiques à des entreprises ou des particuliers : aider à rédiger des conditions générales de vente, un bail, une convention de Pacs...
 

Des ventes aux enchères et de la gestion immobilière !

Enfin, s'il reprend les missions du commissaire-priseur judiciaire, il peut réaliser des ventes, faire un inventaire, estimer les biens, et organiser les enchères.

Et il peut exercer des missions "accessoires" dont il n'a pas le monopole : administrer un immeuble par exemple, en étant syndic de copropriété, ou intermédiaire d'un agent d'assurance.
 

Quelles qualités faut-il avoir ?

Laissons Pauline vous donner son avis :

- "D'abord, il faut de la rigueur. En tant que professionnels du droit, nous devons être extrêmement rigoureux dans le respect des procédures et des délais. (N'est-ce pas ce qui fonde toutes ses actions et lui vaut la confiance de tous ?)

- Mais Il faut aussi être empathique, car nous sommes régulièrement confrontés à la misère des gens. et il faut être capable de comprendre ce qu'ils vivent et les difficultés qu'ils traversent.

- En complément, il faut faire preuve de diplomatie car nous sommes souvent amenés à gérer des situations conflictuelles. Il faut savoir garder son sang froid et faire preuve d'un bon esprit de négociation pour trouver des solutions à des situations difficiles.

- Enfin, il faut être curieux. Le commissaire de justice se retrouve parfois dans la peau d'un enquêteur, par exemple lorsque nous portons une décision de justice à une personne absente, on peut avoir à faire une enquête de voisinage, auprès de la mairie, passer des appels et faire des recherches sur internet."

   


De bonnes et de moins bonnes expériences

Côté sang-froid et diplomatie, Pauline a déjà de l'expérience. Elle raconte avoir été séquestrée deux fois, notamment par un retraité dont le compte bancaire venait d'être bloqué. "Il m'a faite entrer chez lui, puis a refermé la porte à clé ! Mais sa femme est arrivée et nous avons commencé à discuter de leurs problèmes ; finalement, elle m'a raccompagnée jusqu'à ma voiture, mais elle continuait de s'agripper à la portière".

Savoir affronter cette agressivité fait donc partie de l'ADN du métier. "Il faut bien sûr garder son calme, ne pas s'énerver, et surtout dialoguer, dire aux gens qu'on comprend leur détresse ; car le fait de parler dénoue bien des situations". Autrement dit : conjuguer respect du droit et respect des personnes.

 

Quelles études pour devenir commissaire de justice ?

Il faut d'abord décrocher un master 2 de droit, puis entrer à l'Institut national de formation des commissaires de justice (INCJ) en passant un examen assez sélectif (le taux de réussite est d'environ 20%).

La formation dure ensuite deux ans avec des enseignements théoriques (1 jour par semaine en e-learning) et un stage pratique dans une étude de commissaire de justice. Le stagiaire a un statut de salarié (en CDD, CDI ou contrat de professionnalisation) et est rémunéré. Sa formation se fait donc essentiellement sur le terrain.

A la fin des deux ans, le stagiaire obtient le certificat d'aptitude à la profession de commissaire de justice et peut commencer à exercer, 

Pour en savoir plus :
- Pauline a créé le blog https://ambition-commissaire-de-justice.fr  qui répond à toutes les questions que se posent les étudiants. Par exemple "Quels masters choisir ?" ou "Comment se préparer pour réussir l'examen d'entrée".

- Voir aussi le site de  la Chambre nationale des commissaires de justice : https://commissaire-justice.fr
 

Quels débouchés et quel statut ?

Pour exercer son métier, le commissaire de justice a le choix entre deux statuts :
- Etre commissaire de justice salarié dans une étude. En 2022, la rémunération minimale brute mensuelle d’un CDJ salarié était de 4140 €.
- S'installer à son compte en profession libérale en rachetant une étude ou des parts.

Dans les deux cas, il faut être nommé par le Garde des Sceaux et prêter serment. En effet, le commissaire de justice est un "officier public et ministériel" chargé d'exécuter certaines missions de justice au titre de l'Etat. 

Côté débouchés, il semble aisé de trouver son stage ou un poste de CDJ salarié. Un peu plus compliqué de s'installer en libéral, car nul ne peut ouvrir du jour au lendemain une étude où il veut. Il faut en général aller voir son banquier et racheter une étude existante. 

Ce cap franchi, le commissaire de justice est libre de développer, en plus de son coeur de métier, toute la palette d'activités qui lui sont ouvertes. Car comme le dit ci-dessous l'un d'entre eux, "nous sommes le couteau suisse de la justice" 


Vidéo : des commissaires de justice témoignent




2 Mai 2023
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