Comment réussir en entreprise ?


Consultant en stratégie, Bertrand Pointeau vient d'écrire un livre original pour expliquer l'entreprise aux jeunes. Pas un cours d'économie ni un ouvrage ennuyeux mais un concentré d'histoires d'entreprises et d'entrepreneurs en tout genres. A le lire et à l'écouter, en entreprise, tout est possible pour qui veut s'investir et mordre la vie à pleines dents. Alors, comment se préparer, s'orienter, et bien débuter sa vie professionnelle ? Ses réponses et ses clés pour franchir la porte de l'entreprise.



Pourquoi avoir écrit ce livre : les jeunes connaissent mal l'entreprise ?

Bertrand Pointeau
Bertrand Pointeau : "En France, la culture économique est faible et à l'école, au lycée, l'entreprise est peu abordée même lorsqu'on fait de l'économie. Ceux qui préparent un bac ES reçoivent une vision technique de l'économie qui est assez abstraite et ne leur montre pas l'entreprise sous un jour très vivant apte à les inspirer ou à leur donner envie. Par contre les médias parlent parlent tout le temps des entreprises, mais pas sous le jour le plus réjouissant : ce sont les crises, les licenciements, les krachs !

Et vous alors, comment expliquez-vous l'entreprise ?

Je suis parti d'histoires d'entreprises, de salariés, d'entrepreneurs, certains connus, d'autres pas du tout. Par mon métier, j'ai la chance de connaître ce monde sous toutes ses facettes. J'ai donc choisi de raconter ces histoires, puis seulement après d'en dégager des connaissances. Car l'entreprise, c'est d'abord et surtout des gens, de l'action, de l'espoir, des succès, des échecs, de la vie... Par exemple je raconte l'histoire d'Audrey et Romain, qui décident de créer un restaurant. Ils commencent par rêver ensemble, passent beaucoup de temps à chercher leur concept, puis pensent à un restaurant de pâtes qui combinerait les recettes asiatiques et occidentales : "Pasta fusion". Ensuite, je raconte comment ils recherchent des fonds, construisent un plan pour convaincre des investisseurs, réfléchissent à la localisation du restaurant, à la façon dont ils vont recruter et motiver leur personnel, accueillir et fidéliser leurs clients. Deux mois avant l'ouverture, ils testent leur recettes, sélectionnent les fournisseurs, définissent la fréquence et les heures de livraison...

L'air de rien, vous décrivez quand même les grandes fonctions de l'entreprise ?

Oui, la première partie de mon livre présente ces grandes fonctions que tout le monde devrait connaître : une entreprise, il faut d'abord la créer en ayant un projet, puis trouver de l'argent, savoir compter, trouver des clients et les garder, acheter, produire et livrer. A chaque fois, je raconte 3 ou 4 histoires comme celle de Pasta fusion, puis j'explique ce qu'il faut retenir, je fais un portrait d'entrepreneur et je pose une "question difficile". Par exemple, dans le dernier chapitre : "Peut-on devenir chef et le rester en écrasant les autres ?". Car on ne prépare pas assez les débutants au fait qu'ils auront rapidement des personnes à diriger, même s'ils ne sont pas chefs d'entreprise mais salariés.

Quel est le profil à avoir en fonction des métiers ?

Illustration : Rémi Saillard (''L'Entreprise enfin expliquée aux ados'')
Les étudiants ont trop tendance à penser "métier" et "premier métier". En réalité, on change souvent de métier en entreprise, et le plus important pour réussir ce n'est pas la filière d'étude de départ (marketing, commerce, ingénieur) mais les qualités qui seront nécessaires dans toutes les fonctions : avoir l'esprit d'entreprise, savoir prendre des initiatives, résoudre des problèmes... Il faut donc rentrer dans l'entreprise avec un premier métier, mais être prêt à bouger, ne pas s'enfermer dans une fonction. Il est vrai que certains métiers conviennent mieux à certains profils : pour être commercial par exemple, mieux vaut avoir le sens de la communication et le goût du risque, de même si l'on a horreur des chiffres, il vaut mieux éviter la comptabilité... Mais l'orientation met trop l'accent sur la spécialisation et les compétences techniques des métiers. Il ne faut pas vous vendre sur des critères purement techniques mais sur des critères humains.

Pourtant pour un premier emploi les recruteurs regardent d'abord le diplôme et les stages que l'on a fait ?

Oui mais ils sont de plus en plus attentifs aux autres aspects. Dans les entretiens, quand il faut départager des candidats, ils sont très sensibles à l'esprit d'initiative, à l'énergie que vous pouvez dégager, à la façon dont vous vous investissez dans votre environnement. Et pour montrer cela, vous pouvez vous appuyer sur vos jobs d'été, vos projets, vos engagements humanitaires...
Je donne dans mon livre l'exemple de Sophie, une fille timide qui avait passé toute sa scolarité à se fondre dans la masse. Après un BTS, elle se retrouve dans le département graphique d'une entreprise qui doit réaliser des documents techniques pour des ingénieurs. Le service est totalement désorganisé et soumis au stress. Or à sa grande surprise, Sophie s'adapte facilement à cette maison de fous. Elle sait accueillir les ingénieurs de façon détendue, et être ferme tout en proposant des solutions. Quand sa chef de service craque, on lui propose le poste. Cette fille discrète réorganise tout le travail et redresse le département parce qu'elle avait en elle des ressorts cachés.


  Père de deux adolescents, diplômé d'HEC et titulaire d'un MBA de la Wharton School, Bertrand Pointeau est consultant chez Bain&Company, l'un des leaders mondiaux du conseil en stratégie aux entreprises. Ses missions sur les trois continents (Amérique du Nord, Asie, Europe) lui ont permis de découvrir de l'intérieur des entreprises de tout secteur et toutes cultures. Il est aussi l'auteur de deux ouvrages d'économie et de management.

La personnalité compte beaucoup en entreprise ?

Cela compte énormément et dans une vie professionnelle, la personnalité peut beaucoup évoluer. Les années de démarrage servent d'ailleurs à cela, et c'est pourquoi durant 5 à 10 ans, il est bon d'aller au devant des expériences. Ce n'est pas le moment de se replier sur un métier, mais vous pouvez changer de job, de poste, partir à l 'étranger... C'est en se frottant ainsi à l'expérience que l'on trouve son style à soi, que l'on découvre mieux ce que l'on aime et ce que l'on n'aime pas, ses forces et ses faiblesses.
Tous les entrepreneurs que j'ai rencontrés ont eu cette curiosité et cette volonté d'accumuler ainsi beaucoup d'expériences entre 18 et 30 ans. Dans mon livre, Pierre Bellon, le fondateur de Sodexo le dit : "il ne faut pas craindre l'échec mais en tirer parti. Le développement de Sodexo s'explique parce que la somme de nos succès a été supérieure à celle de nos échec."

Mais tout le monde peut-il être entrepreneur ?

Illustration : Rémi Saillard (''L'Entreprise enfin expliquée aux ados'')
D'abord, on se trompe sur les qualités de l'entrepreneur. Ce qui est nécessaire, ce n'est pas forcément d'avoir un diplôme, des connaissances de gestion, de l'autorité ou des dons pour parler en public, mais plutôt l'esprit d'indépendance, la capacité d'accepter le risque, et de l'ambition. Ensuite, tout le monde ne sera peut-être pas chef d'entreprise, mais celui qui a ces qualités et cet esprit d'initiative sera apprécié à n'importe quel poste en entreprise. Si vous avez envie de faire bouger les choses, de façonner votre environnement, d'aider ceux qui travaillent à côté de vous et que vous êtes débrouillard, vous avez toutes les cartes pour réussir dans la vie professionnelle.

 

Comment trouver l'entreprise où l'on va pouvoir s'épanouir ?

D'abord, n'oubliez pas l'incroyable diversité des entreprises : des nanotechnologies au commerce en ligne, en passant par les entrepreneurs du bâtiment, les garagistes, ceux qui créent des logiciels, qui inventent de nouveaux services ou qui créent des lignes de sous-vêtements comme Princesse Tam Tam, il y en a pour tous les goûts.
Ensuite, si vous hésitez à rentrer dans une entreprise, je conseille souvent de regarder quelle genre de personne a réussi à sa tête : renseignez-vous sur sa personnalité, son parcours, ses valeurs, et demandez-vous si vous ressemblez à cette personne, si vous pouvez vous identifier à elle. Si oui, foncez ! sinon, partez très vite !

Est-ce que vous n'idéalisez pas un peu : en entreprise, il y a aussi des conflits, du stress, et c'est parfois la jungle ?

C'est vrai, dans les entreprises et le monde des affaires, il y a le pire et le meilleur et je consacre toute la dernière partie de mon livre à ces sujets : les conflits sociaux, la mondialisation, la diversité... Mais le monde de l'entreprise, ce n'est ni le paradis, ni l'enfer. Ce qu'il faut, c'est développer son jugement et apprendre à distinguer entre les bonnes pratiques et les mauvaises. Par exemple : qu'est-ce que c'est qu'un comportement éthique en entreprise et quelle est la ligne jaune à ne jamais franchir ? S'ils réfléchissent tôt à ces questions, les jeunes d'aujourd'hui ont la possibilité de faire progresser le monde de l'entreprise, de le rendre plus juste plus humain. Demain, ce monde leur appartiendra. Ils en auront la responsabilité.


 

A lire

"L'entreprise (enfin) expliquée aux ados... et aux autres", par Bertrand Pointeau chez Nathan.
-Préfaces de Pierre Bellon, président fondateur de Sodexo, et de Lucile Bernadac, créatrice en 2006 de Papili, une entreprise qui fabrique des doudous éthiques pour petits et grands et lauréate 2007 du prix Talents des Cités.
- Un lexique et un guide des principaux métiers de l'entreprise à la fin.



Propos recueillis par Michèle Longour
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