Classes prépas et grandes écoles : le débat sur l'égalité des chances relancé


Le rapport remis le 20 mars 2012 sur les inégalités sociales dans l'enseignement supérieur relance le débat sur les concours des grandes écoles en pleine campagne présidentielle. Du coup, les propositions pleuvent comme l'idée d'une épreuve de culture générale sur programme aux concours.




Salima Saa, auteur du rapport sur l'ascenseur social et l'enseignement supérieur. Photo : ACSE/ J. Bonnet
"Des efforts, mais peut encore mieux faire".  Si le rapport de Salima Saa sur l'ascenseur social et l'enseignement supérieur devait se résumer à une appréciation, c'est sans doute celle qui conviendrait le mieux.

En effet, la présidente du conseil d'administration de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSE) constate dans son rapport remis le 20 mars au ministre Laurent Wauquiez que des progrès ont été accomplis en dix ans pour une meilleure égalité des chances des jeunes face aux études : l'information sur l'orientation progresse, les passerelles se multiplient et des initiatives comme les "internats d'excellence" ou les "cordées de la réussite" sont utiles pour aider des jeunes moins favorisés à réussir leur parcours scolaire.


Le handicat des zones rurales et des lycéens technologiques

Toutefois les inégalités sont toujours là,  notamment aux portes des formations les plus prestigieuses comme les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE).

Salima Saa constate d'abord qu'à la rentre 2010 une vingtaine de départements, en général dans les zones rurales, n'avaient pas de CPGE. Du reste une centaine de lycées généraux en France, dans ces mêmes zones, n'envoient aucun élève en prépas. L'inégalité est donc d'abord géographique.

Deuxième inégalité, la différence entre les lycéens faisant un bac général et ceux de la voie technologique. Parmi les 80 000 élèves de terminale candidats chaque année à une CPGE par la procédure APB, 74 000 sont issus de la voie générale (soit 25% d'entre eux) et 6000 sont issus de la voie technologique (soit 5% d'entre eux).
Ensuite, 40 500 lycéens choisissent finalement une classe prépa et parmi eux il y a finalement 38 000 lycéens issus de la voie générale et 2500 de la voie technologique !

L'autocensure : premier facteur d'inégalité

Salima Saa dénonce donc "les idées fausses et les préjugés qui découragent les moins bien informés". Ainsi les CPGE sont perçues comme particulièrement difficiles et élitistes.

Dommage, estime l'auteur du rapport car "cela pénalise  toujours les élèves les plus fragiles socialement qui pourraient s’ils ne s’autocensuraient pas, trouver en CPGE un cadre de formation optimal (gratuit, sécurisé et porteur de réussite) à même de leur permettre de réaliser un parcours ambitieux."

En somme les inégalités se logeraient aussi dans les têtes, les jeunes de milieu modeste s'interdisant ces voies où ils pourraient souvent bien réussir, alors que les enfants de milieu plus favorisé sont encouragés voire poussés par leur famille pour y accéder.

Une épreuve de culture générale sur programme

Alors, que faire ? Salimaa Saa fait plusieurs propositions :

- d'abord, vaincre l'auto-censure de nombreux lycéens en nouant des partenariats serrés entre les lycées et certains prépas, en organisant des visites, et en continuant à renforcer les efforts d'information et d'orientation et les initiatives du type "Cordées de la réussite" (entre lycées de milieux populaires et classes prépas).

- encourager les classes prépa à accueillir 30% de boursiers, mieux les accompagner scolairement, en prépa faire une pré-rentrée, développer le tutorat, un premier semestre d'accueil comme en fac pour favoriser la réussite.

- ensuite, s'attaquer au sacro-saint concours d'entrée aux grandes écoles : ce sujet a souvent été source de polémique. Certains ont proposé de supprimer par exemple les épreuves de culture générale. Salima Saa propose plutôt de mettre en place une épreuve de culture générale à partir d'un programme défini et étudié en prépa "afin de réduire l’effet ségrégatif de cette épreuve".

Elle propose aussi de diversifier les jurys des concours et de prendre également en compte dans les concours "la motivation, l’intensité du parcours, le projet personnel, les Travaux d’Initiative personnelle encadrés (TIPE), les démarches d’initiation à la recherche et à l'innovation, etc." Là dessus, les grandes écoles elles-mêmes s'étaient montrées plutôt réservées quand Valérie Pécresse leur avait demandé de réformer leurs concours.

Droite-gauche : même combat ?

Le ministre de l'Education Laurent Wauquiez a applaudi à l'idée de créer une épreuve de culture générale sur programme aux concours des grandes écoles. Il a aussi proposé de faire payer les frais de scolarité à la fin des études, au moment de l'obtention du premier emploi plutôt qu'au début. Ou de permettre à des entreprises de payer les études de jeunes qu'elles voudraient ensuite recruter.

 L"Union des Professeurs de Spéciales (UPS)  qui rassemble des enseignants en classes prépas ont aussi applaudi au rapport de Salima Saa. Ils soutiennent la plupart des propositions, notamment pour qu'au niveau d’APB, les CPGE continuent  à ne sélectionner leur public que sur les critères académiques, afin de conforter les admissions de boursiers.

"Les classes destinées aux filières technologiques (TSI, ATS, TPC, etc.) doivent être développées et rendues plus visibles aux yeux du public, disent aussi ces professeurs qui demandent que soient développées les initiatives des "Cordées de la Réussite" , les "Internats d'excellence", ou les "Résidences pour la réussite" qui sont des logements pour les boursiers.

Le sujet rebondit même dans la campagne électorale, puisque François Hollande a déclaré au Bondy Blog que "Dans tous les lycées de France, une part des élèves de terminale, 5-6%,  devront aller dans les classes préparatoires aux grandes écoles". Sur ce sujet, la droite et la gauche sont donc sur la même longueur d'ondes.

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Rédigé par La rédaction le Vendredi 30 Mars 2012
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