L’embryon est-il une personne ? La question est, volontairement, directe. Car la réponse ne peut être que oui, ou non. Notre civilisation ne connaît pas en effet de demi personnes ni de personnes à 80% ou à 120%. Le recours à des termes intermédiaires comme "personne potentielle", "personne humaine en devenir" ou "projet de personne", utilisées par le comité consultatif national d’éthique, ne résout rien car, finalement, il faut traiter l’embryon comme une personne, ou pas.
La question est avant tout philosophique et présente des aspects scientifiques. Pourtant, il nous faut partir de la loi car, quel que soit l’intérêt des débats qui précèdent, accompagnent et suivent le vote de la loi, une fois celle-ci adoptée elle devient la norme qui informe la société tout entière.
La question est avant tout philosophique et présente des aspects scientifiques. Pourtant, il nous faut partir de la loi car, quel que soit l’intérêt des débats qui précèdent, accompagnent et suivent le vote de la loi, une fois celle-ci adoptée elle devient la norme qui informe la société tout entière.
Ce que la loi autorise de faire sur l'embryon
La loi du 29 juillet 1994 organise le recours aux procréations médicalement assistées. Sont autorisés et réglementés le recours à l’IAC (insémination artificielle par le conjoint), l’IAD (insémination artificielle avec donneur), la FIVETE (fécondation in vitro et transfert d’embryon). Ces pratiques sont réservées aux couples hétérosexuels, mariés ou en concubinage depuis deux ans, vivants et en âge de procréer.
Dans la fécondation in vitro, des embryons sont conçus dans un tube à essai et implantés, ensuite, dans le corps de la femme. Le prélèvement d’ovocytes étant très contraignant pour la femme, on en prélève en général plusieurs en même temps. Mais, les ovocytes ne se conservant pas, ils sont fécondés immédiatement. On obtient ainsi plus d’embryons que nécessaire pour la première tentative d’implantation.
Les embryons en surnombre, appelés embryons surnuméraires, sont congelés et conservés. Pour finir, la loi de 1994 interdit le recours aux mères porteuses et l’expérimentation sur l’embryon. Il n’est pas question à l’époque du clonage.
La loi du 6 août 2004 interdit et sanctionne pénalement le clonage tant reproductif que celui dit thérapeutique. La loi maintient l’interdiction de principe de la recherche sur l’embryon, mais prévoit des possibilités de dérogations, dans certaines conditions très strictes.
Dans la fécondation in vitro, des embryons sont conçus dans un tube à essai et implantés, ensuite, dans le corps de la femme. Le prélèvement d’ovocytes étant très contraignant pour la femme, on en prélève en général plusieurs en même temps. Mais, les ovocytes ne se conservant pas, ils sont fécondés immédiatement. On obtient ainsi plus d’embryons que nécessaire pour la première tentative d’implantation.
Les embryons en surnombre, appelés embryons surnuméraires, sont congelés et conservés. Pour finir, la loi de 1994 interdit le recours aux mères porteuses et l’expérimentation sur l’embryon. Il n’est pas question à l’époque du clonage.
La loi du 6 août 2004 interdit et sanctionne pénalement le clonage tant reproductif que celui dit thérapeutique. La loi maintient l’interdiction de principe de la recherche sur l’embryon, mais prévoit des possibilités de dérogations, dans certaines conditions très strictes.
Des lois incohérentes
Certaines pratiques sont autorisées, d’autres interdites, ou autorisées à telle ou telle condition, sans qu’on comprenne bien ce qui justifie les solutions retenues. L’incohérence vient de ce que LA question centrale, dont tout découle, est toujours éludée : qu’est-ce qu’un embryon ?
Les conditions dans lesquelles la loi permet d’utiliser les embryons pour la recherche sont extrêmement rigoureuses : la recherche ne peut être conduite que sur les embryons conçus in vitro, dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation, qui ne font plus l’objet d’un projet parental, avec le consentement écrit préalable du couple dont ils sont issus. Le protocole doit être autorisé par l’Agence de la biomédecine et les ministres chargés de la santé et de la recherche peuvent en interdire ou en suspendre la réalisation. Un chercheur ne peut donc utiliser des embryons pour ses recherches que de façon très limitée, et il n'est pas permis d'en concevoir in vitro à cette fin.
Or, de deux choses l'une : si l’embryon n’est pas une personne, les conditions encadrant et restreignant son utilisation sont absurdes, et entravent inutilement l’activité des chercheurs. En revanche, si l’embryon est une personne, toutes ces précautions, si exigeantes soient-elles, n’en sont pas moins absolument insuffisantes car, en définitive, les embryons concernés sont sacrifiés à la recherche. En effet, la recherche ne respecte pas l’intégrité de l’embryon puisque ce dernier est détruit et, de toute façon, la loi interdit l’implantation des embryons ayant fait l’objet d’une recherche,
c’est-à-dire ordonne leur destruction.
La loi ne traite donc l’embryon humain ni comme une chose (une non-personne), ni comme une personne. Pourquoi persister à ne pas dire ce qu’est un embryon ? Parce que dire que l’embryon est une personne, est conçu comme un choix, et un choix personnel, subjectif, c’est-à-dire un choix que chacun fait en conscience.
Or le législateur veut laisser chacun libre de faire ce choix. Le seul moyen de trouver une règle commune, sans trancher autoritairement, est de dégager un consensus sur le sujet. On voit la démarche : le débat bioéthique ne consiste pas à rechercher ce qu’est l’embryon, mais à chercher à se mettre d’accord sur ce qu’il est. Or, un tel consensus étant impossible à trouver, on renonce à
trancher la question.
Les conditions dans lesquelles la loi permet d’utiliser les embryons pour la recherche sont extrêmement rigoureuses : la recherche ne peut être conduite que sur les embryons conçus in vitro, dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation, qui ne font plus l’objet d’un projet parental, avec le consentement écrit préalable du couple dont ils sont issus. Le protocole doit être autorisé par l’Agence de la biomédecine et les ministres chargés de la santé et de la recherche peuvent en interdire ou en suspendre la réalisation. Un chercheur ne peut donc utiliser des embryons pour ses recherches que de façon très limitée, et il n'est pas permis d'en concevoir in vitro à cette fin.
Or, de deux choses l'une : si l’embryon n’est pas une personne, les conditions encadrant et restreignant son utilisation sont absurdes, et entravent inutilement l’activité des chercheurs. En revanche, si l’embryon est une personne, toutes ces précautions, si exigeantes soient-elles, n’en sont pas moins absolument insuffisantes car, en définitive, les embryons concernés sont sacrifiés à la recherche. En effet, la recherche ne respecte pas l’intégrité de l’embryon puisque ce dernier est détruit et, de toute façon, la loi interdit l’implantation des embryons ayant fait l’objet d’une recherche,
c’est-à-dire ordonne leur destruction.
La loi ne traite donc l’embryon humain ni comme une chose (une non-personne), ni comme une personne. Pourquoi persister à ne pas dire ce qu’est un embryon ? Parce que dire que l’embryon est une personne, est conçu comme un choix, et un choix personnel, subjectif, c’est-à-dire un choix que chacun fait en conscience.
Or le législateur veut laisser chacun libre de faire ce choix. Le seul moyen de trouver une règle commune, sans trancher autoritairement, est de dégager un consensus sur le sujet. On voit la démarche : le débat bioéthique ne consiste pas à rechercher ce qu’est l’embryon, mais à chercher à se mettre d’accord sur ce qu’il est. Or, un tel consensus étant impossible à trouver, on renonce à
trancher la question.
Les législateurs, comme les juges, refusent de se prononcer
Le législateur affirme vouloir se cantonner dans son rôle, poser des règles concernant l’embryon, sans se prononcer sur son statut. Les nombreux rapports sont unanimes sur ce point : "Les conceptions éthiques antagonistes sur la nature de l’embryon, respectables en tant que choix individuels, ne seraient pas praticables en tant que choix de société […] La vraie question est de savoir comment l’embryon doit être traité."
Les juges se refusent eux aussi à trancher la question. La Cour d’appel de Paris, par exemple, déclare que "le juge n’a pas à statuer en dehors [du] cadre légal, qu’il sortirait manifestement de son rôle s’il le faisait, risquant ainsi de s’ériger en moraliste ou en philosophe, […)
Les juges se refusent eux aussi à trancher la question. La Cour d’appel de Paris, par exemple, déclare que "le juge n’a pas à statuer en dehors [du] cadre légal, qu’il sortirait manifestement de son rôle s’il le faisait, risquant ainsi de s’ériger en moraliste ou en philosophe, […)
Ne pas prendre parti est déjà une prise de position
Pourtant, prétendre ne rien dire de la nature de l’embryon n'est pas possible car, s’il n’y a pas de réglementation, cela revient concrètement à approuver ce qui se fait et, s’il y a des règles, elles reflètent une prise de position implicitement établie dans la loi. Le ministre de la santé l’avait clairement dit : "cette loi reflètera notre conception de l’homme […] chacun admet que ce n’est pas à la loi de définir la vie. Il est indéniable pourtant que cette loi reflètera notre conception de l’homme."
C’est pourquoi faire semblant de ne pas prendre parti sur la nature de l’embryon est en fait une prise de position, à ceci près qu’elle se passe de justification : "Nous n’aborderons pas ici le débat sur le statut de l’embryon humain, car, nous le savons, trop de divergences philosophiques [vous] séparent […] Nous en resterons à la définition de potentialité de personne."6
Outre que le postulat (il est impossible de savoir ce qu’est l’homme, ou ce qu’est l’embryon...) est largement contestable, ceci permet, tout en refusant d’emblée le débat (il est impossible de... nous n’aborderons pas...), de le trancher...sans débattre (ce sera donc cela) !
Quant aux juges, ils doivent trancher les affaires qui leur sont soumises et chaque décision exprime une prise de position. La cour qui doit décider si le chauffard qui a blessé une femme enceinte et tué l’enfant qu’elle portait est coupable d’homicide par imprudence de blessures involontaires sur la personne de la mère, ne peut éviter de se prononcer sur la nature du foetus. A chaque fois qu’un juge applique ou écarte un texte visant l’être humain ou la personne humaine, il qualifie l’être concerné. Finalement, l’embryon est qualifié de personne devant telle juridiction mais non devant telle autre.
Quant à la Cour de cassation, tantôt elle applique le droit des personnes à l’enfant à naître, tantôt elle refuse de le faire !
C’est pourquoi faire semblant de ne pas prendre parti sur la nature de l’embryon est en fait une prise de position, à ceci près qu’elle se passe de justification : "Nous n’aborderons pas ici le débat sur le statut de l’embryon humain, car, nous le savons, trop de divergences philosophiques [vous] séparent […] Nous en resterons à la définition de potentialité de personne."6
Outre que le postulat (il est impossible de savoir ce qu’est l’homme, ou ce qu’est l’embryon...) est largement contestable, ceci permet, tout en refusant d’emblée le débat (il est impossible de... nous n’aborderons pas...), de le trancher...sans débattre (ce sera donc cela) !
Quant aux juges, ils doivent trancher les affaires qui leur sont soumises et chaque décision exprime une prise de position. La cour qui doit décider si le chauffard qui a blessé une femme enceinte et tué l’enfant qu’elle portait est coupable d’homicide par imprudence de blessures involontaires sur la personne de la mère, ne peut éviter de se prononcer sur la nature du foetus. A chaque fois qu’un juge applique ou écarte un texte visant l’être humain ou la personne humaine, il qualifie l’être concerné. Finalement, l’embryon est qualifié de personne devant telle juridiction mais non devant telle autre.
Quant à la Cour de cassation, tantôt elle applique le droit des personnes à l’enfant à naître, tantôt elle refuse de le faire !
Définir ce qu'est un embryon
Ne serait-il pas absurde de prétendre décider de la qualité de personne de mon voisin de palier, ou de telle ou telle catégorie d’êtres humains ? Dès lors qu’il s’agit de l’embryon, pourquoi admet-on sans sourciller qu’il faut décider s’il est une personne ou non ? Parce que le terme de personne est ambigu. Il désigne deux qualités, bien distinctes :
- la qualité de personne humaine, d’être humain, de spécimen biologique de l’espèce humaine
- la personnalité juridique, qui est une qualité attribuée aux individus, ou aux groupes d’individus (sociétés commerciales, collectivités territoriales) et qui leur donne la capacité juridique.
La qualité de personne humaine est une qualité intrinsèque aux individus. Un être est une personne humaine en raison de sa nature, et non parce qu’on lui attribue ou lui reconnaît cette qualité.
En revanche, la personnalité juridique est une qualité attribuée.
Le droit l’attribue aujourd’hui à tout être humain né vivant et viable, mais notre système juridique a connu deux catégories de personnes humaines, déjà nées, dépourvues de la personnalité juridique : les esclaves et les personnes frappées de mort civile (la mort civile était une sanction pénale consistant à retirer au condamné sa personnalité juridique). L’emploi imprécis du terme de personne conduit à appliquer le régime de la personnalité juridique, qui est un régime d’attribution, dans un domaine où seule la personnalité humaine est en cause. Cela conduit ainsi à proposer d’attribuer, ou de refuser, la qualité de personne à l’embryon.
- la qualité de personne humaine, d’être humain, de spécimen biologique de l’espèce humaine
- la personnalité juridique, qui est une qualité attribuée aux individus, ou aux groupes d’individus (sociétés commerciales, collectivités territoriales) et qui leur donne la capacité juridique.
La qualité de personne humaine est une qualité intrinsèque aux individus. Un être est une personne humaine en raison de sa nature, et non parce qu’on lui attribue ou lui reconnaît cette qualité.
En revanche, la personnalité juridique est une qualité attribuée.
Le droit l’attribue aujourd’hui à tout être humain né vivant et viable, mais notre système juridique a connu deux catégories de personnes humaines, déjà nées, dépourvues de la personnalité juridique : les esclaves et les personnes frappées de mort civile (la mort civile était une sanction pénale consistant à retirer au condamné sa personnalité juridique). L’emploi imprécis du terme de personne conduit à appliquer le régime de la personnalité juridique, qui est un régime d’attribution, dans un domaine où seule la personnalité humaine est en cause. Cela conduit ainsi à proposer d’attribuer, ou de refuser, la qualité de personne à l’embryon.
Etre une personne ne se réduit pas à avoir ou non la personnalité juridique
L’embryon n’a pas la personnalité juridique, mais être une personne ne se réduit pas à avoir ou non la personnalité juridique, et ceci est vrai même pour le droit. Une personne humaine, dépourvue de la personnalité juridique, n’en appartient pas moins à la classe des personnes, comme ce fut le cas des esclaves. La loi du 24 avril 1833 désignait les esclaves sous le terme de "personnes non
libres". La Chambre criminelle, dans un arrêt du 8 février 1839, a explicitement dit que cette loi "a formellement rangé les esclaves dans la classe des personnes, et leur [a] reconnu un état civil".
En dépit de la confusion qui caractérise la jurisprudence, la Cour de cassation applique, dans certains cas, le droit des personnes à l’enfant à naître, manifestant cette évidence que, même aujourd’hui, la personnalité juridique n’est pas le tout, ni même le plus important, de la personnalité.
D’ailleurs, le fait d’être une personne est d’une autre portée pour un être humain que pour une société commerciale ou une collectivité territoriale, ce qui révèle bien que la personnalité juridique n’est pas seule en cause. Le droit des personnes ne concerne pas seulement l’individu dans ses prérogatives de sujet de droit mais, avant tout, en tant qu’être humain, personne humaine.
libres". La Chambre criminelle, dans un arrêt du 8 février 1839, a explicitement dit que cette loi "a formellement rangé les esclaves dans la classe des personnes, et leur [a] reconnu un état civil".
En dépit de la confusion qui caractérise la jurisprudence, la Cour de cassation applique, dans certains cas, le droit des personnes à l’enfant à naître, manifestant cette évidence que, même aujourd’hui, la personnalité juridique n’est pas le tout, ni même le plus important, de la personnalité.
D’ailleurs, le fait d’être une personne est d’une autre portée pour un être humain que pour une société commerciale ou une collectivité territoriale, ce qui révèle bien que la personnalité juridique n’est pas seule en cause. Le droit des personnes ne concerne pas seulement l’individu dans ses prérogatives de sujet de droit mais, avant tout, en tant qu’être humain, personne humaine.
Quand l'embryon deviendrait-il une personne : à la naissance, à l'implantation in utero ?
Il suffit que l’embryon soit une personne humaine pour être qualifié de personne, tout court, et cela ne dépend pas de ce qu’il a la personnalité juridique ou non.
Pour qu’il y ait une personne humaine, il faut, au moins, un être humain, c’est-à-dire un individu humain. Cette première exigence est facilement vérifiée. L’embryon humain est un individu humain, un être humain. C’est en effet un être organisé qui possède en lui-même le principe de son propre développement. Cette donnée scientifique est admise dans le débat actuel. Ce qui est en cause, c’est sa qualité de personne.
Suffit-il d’être un être humain, un individu humain, pour être une personne humaine ? De nombreux critères peuvent être proposés comme susceptibles de caractériser le moment où l’individu devient une personne. Certains sont liés à un certain seuil de développement : parmi ceux-ci, les plus couramment proposés sont, traditionnellement, la naissance ou, plus récemment, l’implantation de l’embryon. La naissance est le seuil le plus significatif car le plus visible et, en outre, le critère de l’acquisition de la personnalité juridique.
Mais qu’est-ce qui distingue fondamentalement l’enfant, une seconde avant l’accouchement, du même enfant, une seconde après ? En outre, l’accouchement peut être avancé ou retardé, et comment la qualité de personne de l’individu concerné pourrait-elle dépendre de ce que l’accouchement a été provoqué tel ou tel jour ?
Plus généralement, il est clair que la qualité de personne de l’intéressé ne saurait découler des circonstances dans lesquelles il se trouve, des éléments extérieurs à lui comme le fait d’être in utero ou déjà né, ou, encore, le fait d’être in utero ou in vitro.
Une autre proposition est de distinguer entre l’embryon pré-implatatoire, qui peut être cultivé in vitro jusqu’au septième jour, et l’embryon implanté. On utilise aussi les termes de pré-embryon ou, encore, de blastocyste, (terme scientifique qui désigne l’embryon dans cette phase précoce). Pourtant, la science établit que le développement de l’oeuf humain est continu et que la nidation dans l’utérus n’entraîne pas, en elle-même, de modification mais ne fait que permettre au développement de l’embryon de se poursuivre.
Pour qu’il y ait une personne humaine, il faut, au moins, un être humain, c’est-à-dire un individu humain. Cette première exigence est facilement vérifiée. L’embryon humain est un individu humain, un être humain. C’est en effet un être organisé qui possède en lui-même le principe de son propre développement. Cette donnée scientifique est admise dans le débat actuel. Ce qui est en cause, c’est sa qualité de personne.
Suffit-il d’être un être humain, un individu humain, pour être une personne humaine ? De nombreux critères peuvent être proposés comme susceptibles de caractériser le moment où l’individu devient une personne. Certains sont liés à un certain seuil de développement : parmi ceux-ci, les plus couramment proposés sont, traditionnellement, la naissance ou, plus récemment, l’implantation de l’embryon. La naissance est le seuil le plus significatif car le plus visible et, en outre, le critère de l’acquisition de la personnalité juridique.
Mais qu’est-ce qui distingue fondamentalement l’enfant, une seconde avant l’accouchement, du même enfant, une seconde après ? En outre, l’accouchement peut être avancé ou retardé, et comment la qualité de personne de l’individu concerné pourrait-elle dépendre de ce que l’accouchement a été provoqué tel ou tel jour ?
Plus généralement, il est clair que la qualité de personne de l’intéressé ne saurait découler des circonstances dans lesquelles il se trouve, des éléments extérieurs à lui comme le fait d’être in utero ou déjà né, ou, encore, le fait d’être in utero ou in vitro.
Une autre proposition est de distinguer entre l’embryon pré-implatatoire, qui peut être cultivé in vitro jusqu’au septième jour, et l’embryon implanté. On utilise aussi les termes de pré-embryon ou, encore, de blastocyste, (terme scientifique qui désigne l’embryon dans cette phase précoce). Pourtant, la science établit que le développement de l’oeuf humain est continu et que la nidation dans l’utérus n’entraîne pas, en elle-même, de modification mais ne fait que permettre au développement de l’embryon de se poursuivre.
L’individu humain deviendrait-il une personne avec la conscience de lui-même ?
Plus sérieusement, on peut songer à lier l’émergence de la personne à certains éléments considérés comme caractéristiques : la conscience, la pensée, la relation. En particulier, la conception relationnelle de la personne sous-tend la distinction qui est faite entre l’embryon qui fait l’objet d’un projet parental et celui dont les auteurs se sont désintéressés.
L’individu humain deviendrait donc une personne avec la conscience de lui-même, la pensée ou la relation avec ses semblables. Il est naturel de songer à de tels critères, qui sont bel et bien le propre de la personne : effectivement les animaux ne pensent pas, ni n’ont conscience d’eux-mêmes ni n’entretiennent de relations avec autrui.
Pour autant, aucun de ces critères n’est satisfaisant car, tous, ils désignent des actes, des actions. Tout ce qu’ils peuvent manifester, c’est le moment où la personne agit comme telle. Or, c’est le moment où la personne existe et non pas celui où elle agit qui est recherché. Pour pouvoir agir ainsi, comme une personne, il fallait que l’individu soit une personne, sinon il n’aurait pas pu poser ces actes caractéristiques.
Ces critères sont donc mal fondés philosophiquement pour identifier le moment où la personne existe. On pourrait pourtant se résigner à s’en satisfaire, dans un but pragmatique mais aucun des critères envisageables ne peut être utilement mis en oeuvre. En effet, si on identifie l’apparition de la personne avec, par exemple, la conscience de soi, il est bien délicat de dégager un moment précis avant lequel la personne n’existe pas et après lequel elle existe. La même difficulté nous attend avec la pensée et la relation. Ces critères ne présentent donc pas d’utilité pratique.
L’individu humain deviendrait donc une personne avec la conscience de lui-même, la pensée ou la relation avec ses semblables. Il est naturel de songer à de tels critères, qui sont bel et bien le propre de la personne : effectivement les animaux ne pensent pas, ni n’ont conscience d’eux-mêmes ni n’entretiennent de relations avec autrui.
Pour autant, aucun de ces critères n’est satisfaisant car, tous, ils désignent des actes, des actions. Tout ce qu’ils peuvent manifester, c’est le moment où la personne agit comme telle. Or, c’est le moment où la personne existe et non pas celui où elle agit qui est recherché. Pour pouvoir agir ainsi, comme une personne, il fallait que l’individu soit une personne, sinon il n’aurait pas pu poser ces actes caractéristiques.
Ces critères sont donc mal fondés philosophiquement pour identifier le moment où la personne existe. On pourrait pourtant se résigner à s’en satisfaire, dans un but pragmatique mais aucun des critères envisageables ne peut être utilement mis en oeuvre. En effet, si on identifie l’apparition de la personne avec, par exemple, la conscience de soi, il est bien délicat de dégager un moment précis avant lequel la personne n’existe pas et après lequel elle existe. La même difficulté nous attend avec la pensée et la relation. Ces critères ne présentent donc pas d’utilité pratique.
Pour le principe de précaution : dans le doute, ne pas risquer de tuer une personne
Finalement, le simple fait de reconnaître qu’on ne peut se prononcer avec certitude sur la nature de l’embryon devrait, en vertu du principe de précaution, suffire à le considérer, dans le doute, comme une personne.
Imaginons une cour d’assises, devant laquelle une personne plaiderait ainsi : j’avais un fusil, j’ai vu bouger dans le fourré, je ne savais pas s’il s’agissait d’un collègue ou d’un gibier et, dans le doute, j’ai tiré. Un tel raisonnement a-t-il une chance de convaincre le jury ? Dans le doute, il ne faut pas tirer, car il vaut mieux laisser filer le plus beau gibier que prendre le risque de tuer une personne.
Dans le doute, il vaudrait mieux renoncer à utiliser l’embryon que de prendre le risque de sacrifier une personne.
La prudence invite donc à traiter l’embryon comme une personne, pour le cas où il en serait une. Mais, de toute façon, le stade du doute est dépassé, et la raison plaide pour considérer l’embryon comme une personne, puisque rien ne justifie de distinguer l’être humain de la personne humaine. N’est-il pas logique de considérer tout être humain comme une personne humaine ? Comment un être humain pourrait-il être autre chose qu’une personne humaine ?
Imaginons une cour d’assises, devant laquelle une personne plaiderait ainsi : j’avais un fusil, j’ai vu bouger dans le fourré, je ne savais pas s’il s’agissait d’un collègue ou d’un gibier et, dans le doute, j’ai tiré. Un tel raisonnement a-t-il une chance de convaincre le jury ? Dans le doute, il ne faut pas tirer, car il vaut mieux laisser filer le plus beau gibier que prendre le risque de tuer une personne.
Dans le doute, il vaudrait mieux renoncer à utiliser l’embryon que de prendre le risque de sacrifier une personne.
La prudence invite donc à traiter l’embryon comme une personne, pour le cas où il en serait une. Mais, de toute façon, le stade du doute est dépassé, et la raison plaide pour considérer l’embryon comme une personne, puisque rien ne justifie de distinguer l’être humain de la personne humaine. N’est-il pas logique de considérer tout être humain comme une personne humaine ? Comment un être humain pourrait-il être autre chose qu’une personne humaine ?
Certains êtres ne seraient pas des personnes ?
Admettre que l’embryon n’est pas une personne mais le devient, suppose d’admettre que certains êtres humains ne sont pas des personnes. Pourquoi cette proposition ne pourrait-elle concerner que les embryons ? La qualité de personne humaine pourrait aussi être déniée à tous les êtres humains qui ne remplissent pas la condition retenue pour passer du statut être humain au statut personne (rappelons que la notion de personne est sensée relever de l’ordre du choix subjectif).
Si l’être humain, puisque l’embryon en est un, ne devient une personne que progressivement, cela exige d’admettre des états intermédiaires entre cet être humain non personne et cet être humain qui en est une : un être humain à 20 %,50 %, 80 %, puis 100 % personne ? Et, encore une fois, pourquoi cette graduation dans la personnalité ne concernerait-elle que les embryons ?
Si l’être humain, puisque l’embryon en est un, ne devient une personne que progressivement, cela exige d’admettre des états intermédiaires entre cet être humain non personne et cet être humain qui en est une : un être humain à 20 %,50 %, 80 %, puis 100 % personne ? Et, encore une fois, pourquoi cette graduation dans la personnalité ne concernerait-elle que les embryons ?
Si la réalité est objective, il faut rechercher ce qu’est l’embryon, en soi
Tout dépend finalement d’une option philosophique de départ : soit on décide ce qu’est la personne et, en particulier, si l’embryon en est une, soit on le recherche afin de le constater. Si la réalité est objective, il faut rechercher ce qu’est l’embryon, en soi. S’il n’y a pas de nature des choses, de réalité embryon à constater, il appartient à chacun de percevoir l’embryon comme sa subjectivité le lui indique, en fonction de ses données personnelles, et à la société de trouver un consensus sur le sujet.
Le législateur actuel retient ce système subjectif, partant du principe que la nature de l’embryon est une question d’opinion.
Il situe ainsi d’emblée le débat dans le système du choix, ce qui est, en soi, un choix, un parti pris de départ, qui demanderait au moins à être justifié. Par ailleurs, si ce qu’est la personne relève du choix subjectif, il faudrait en tirer les conséquences. Comme on l’a dit, pourquoi cela ne concernerait que les
embryons ?
Le législateur actuel retient ce système subjectif, partant du principe que la nature de l’embryon est une question d’opinion.
Il situe ainsi d’emblée le débat dans le système du choix, ce qui est, en soi, un choix, un parti pris de départ, qui demanderait au moins à être justifié. Par ailleurs, si ce qu’est la personne relève du choix subjectif, il faudrait en tirer les conséquences. Comme on l’a dit, pourquoi cela ne concernerait que les
embryons ?
Accepter de rechercher ce qu’est un embryon, et renoncer à le décider
Même cantonné au cas de l’embryon, le système ne fonctionne pas. Chacun est censé penser ce qu’il veut de l’embryon. Est-ce le cas du chercheur qui a besoin d’embryons pour sa recherche ? Pense-t-il ce qu’il veut ? En tout cas, il ne fait absolument pas ce qu’il veut. Il en va de même de l’homme et la femme à l’origine d’un embryon. Ils ne prennent pas leurs décisions en conséquence de leurs convictions personnelles, ils ne peuvent décider du sort de l’embryon que parmi les possibilités offertes par la loi.
Est-ce que cela ne manifeste pas que, en réalité, la définition de la personne, même lorsqu’il ne s’agit que de l’embryon, ne relève pas du choix subjectif ?
Accepter de rechercher ce qu’est un embryon, et renoncer à le décider, c’est le moyen de rétablir le débat bioéthique sur des bases saines. En ces termes, le débat deviendra compréhensible et on sortira de cette ambiguïté qui rend toute discussion opaque et sans issue. Il n’y a rien de moins à gagner que le respect comme telle de la personne humaine, de toute personne humaine.
Est-ce que cela ne manifeste pas que, en réalité, la définition de la personne, même lorsqu’il ne s’agit que de l’embryon, ne relève pas du choix subjectif ?
Accepter de rechercher ce qu’est un embryon, et renoncer à le décider, c’est le moyen de rétablir le débat bioéthique sur des bases saines. En ces termes, le débat deviendra compréhensible et on sortira de cette ambiguïté qui rend toute discussion opaque et sans issue. Il n’y a rien de moins à gagner que le respect comme telle de la personne humaine, de toute personne humaine.